mercredi 6 décembre 2023

La Belle Noiseuse (J. Rivette, 1991)

 



Dans La Belle Noiseuse (libre adaptation du Chef d’œuvre inconnu), Jacques Rivette filme longuement l’artiste dessinant ou peignant son modèle. C’est ce travail qui l’intéresse et auquel mène l’argument du film, argument par ailleurs assez simple mais qui permet au réalisateur de filmer l’artiste comme il l’entend.
Le film est ainsi découpé en deux moments très séparés : un premier temps organisé autour de questions de couples et de séduction et un second temps où l’artiste est au travail avec son modèle. Ces deux temps se mélangent et les séances dans l’atelier font comme autant de pauses dans le récit. Le lien entre ces deux films est à rechercher du côté de la réflexion sur la possession (ou plutôt sur l’impossible possession) : possession de l’objet de son amour dans un couple, possession du modèle par l’artiste qui capte sa substance dans l’œuvre.
Les séquences dans l’atelier ont presque une valeur de document. Et l’on découvre que le travail du peintre, à peine commencé, est sans cesse repris ou recommencé, ou détourné : l’artiste cherche à capter les choses. On pense, bien sûr, au Mystère Picasso de Clouzot, où Picasso recouvrait sans cesse davantage sa peinture par d’autres peintures, la main suivant l’esprit.
Si Rivette, assez intelligemment, ne tranche pas sa réflexion ni sur le plan du couple ni sur celui de l’artiste, on constate que le résultat du travail du peintre – l’œuvre produite – n’est pas montrée, ni au spectateur, ni à la plupart des protagonistes et la peinture, finalement, est presque immédiatement cachée. Il s’agit là d’une démarche éminemment moderne où, pour l’artiste, la démarche et la recherche comptent davantage que l’œuvre en elle-même.
Michel Piccoli surjoue un peu le peintre Frenhofer – personnage qui vire au stéréotype – et Emmanuelle Béart, avec une fausse ingénuité, joue au modèle que l’on voit et revoit nu, tour à tour figé ou déplacé par Frenhofer.



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