samedi 30 août 2025

L'Esclave (Y. Ciampi, 1953)

 



Surprenant film où les thèmes de la drogue, de l’addiction et de la déchéance sociale sont traités directement. Le film n’explore pas les bas-fonds des drogués mais bien plutôt le monde du spectacle avec la dérive progressive de son personnage, emporté par une addiction dont il ne parvient pas à se défaire. En prenant appui sur un accident et une dépendance grandissante à la morphine, le scénario exonère en partie moralement son personnage. Daniel Gelin campe parfaitement ce rôle pas si simple, mettant à mal sa plastique et sa prestance de jeune premier (même si l’on sait qu’il n’hésite pas à jouer des rôles variés, y compris ceux de salauds, comme dans La Neige était sale).

Dans les mêmes années, Hollywood traite du sujet de l’alcoolisme dans Le Poison et il dénoncera bientôt les ravages de la drogue dans L’Homme au bras d’or (sans compter des films précurseurs pré-code comme Héros à vendre) mais, en France, L’Esclave – le titre du film résumant très bien ce qui se joue et qui est dénoncé – est un film isolé et assez unique sur ce thème.

 

lundi 25 août 2025

Jurassic World : Renaissance (Jurassic World Rebirth de G. Edwards, 2025)

 



De même que l’on ne change pas une équipe qui gagne, on n’arrête pas l’exploitation d’un filon qui donne encore. Hollywood, suivant ce mantra puissant et incontournable, a bien vite ressorti ses dinosaures, trois ans après avoir laissé penser (mais qui pouvait le croire ?) que la série allait s’arrêter.
Sans bien sûr renouveler la série, le film, cependant, est moins catastrophique que les précédents et il cherche à revenir vers les tout débuts, du temps de Spielberg (Le Monde perdu, notamment). C’est bien insuffisant, évidemment, pour tenir en haleine et suivre ce film autrement que l’œil fatigué et l’esprit lassé par tant de banalités (même si le choc visuel – qui présidait au succès immense du premier Jurassic Park – est toujours présent, avec des monstres visuellement incroyables (hormis le tout dernier à apparaître, qui va lorgner bêtement du côté d’Alien 4)).



samedi 23 août 2025

Treize jours (Thirteen Days de R. Donaldson, 2000)

 



Treize jours n’a pas beaucoup d’autre ambition que de raconter par le menu la crise de Cuba en plongeant aux côtés des JFK et de ses proches.
Bien sûr il ne s’agit pas d’un grand film historique, qui aurait l’ambition d’un souffle épique ou bien qui foncerait à l’intérieur du crâne des personnages pour les sonder. On suit ici simplement les étapes de cette crise – on mesure combien l’étincelle qui met le feu aux poudres faillit, à plusieurs reprises, tout enflammer – mais cela donne au film une dimension didactique qu’il ne quitte guère : c’est tout à fait intéressant (avec des acteurs qui, tranquillement, font le job) même si cela réduit beaucoup la dimension du film.



jeudi 21 août 2025

Le Grand Bain (G. Lellouche, 2018)

 



Le premier film de Gilles Lellouche derrière la caméra est plutôt réussi : il plonge au milieu d’un groupe de quadra et quinquagénaires en crise (et c’est toute la masculinité qui est en crise avec eux) où il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. Pathétiques, parfois pitoyables, les personnages s’accrochent aux branches pour ne pas sombrer, chacun étant embourbé dans une situation, une déprime ou un complexe qui le tire vers le fond. C’est la camaraderie qui va les sauver, avec un final à ce point improbable (et c’est bien dommage, d’ailleurs) qu’il donne presque une coloration de conte au film.
Mais l’ensemble est sans concessions et reste assez drôle – le groupe d’acteurs fonctionnant bien – avec quelques bonnes séquences et des réparties parfois savoureuses (on pense à Virginie Efira assise sur le plongeoir d’où elle assène du Verlaine à sa troupe de bras cassés).


mardi 19 août 2025

A bout portant (F. Cavayé, 2010)

 



Thriller d’action qui se veut trépidant mais qui est surtout très convenu avec des figures archétypales dont le film ne sort pas. Entre l’innocent embarqué malgré lui, le méchant blessé qui s’amende au cours du film ou le flic ripoux qui devient le vrai méchant, il n’y a là rien de bien passionnant. Si l’on ajoute au style exubérant des aberrations scénaristiques pénibles (un exemple parmi tant d’autres : le malfrat pourtant à l’article de la mort et suivi en soins intensifs qui court à travers Paris quelques heures plus tard), on comprend alors que le film de Fred Cavayé fatigue bien plus qu’il n’emporte.


mardi 12 août 2025

Aaltra (B. Delépine et G. Kervern, 2004)

 



Road movie improbable et très corrosif, déversant un regard au vitriol comme peu de films ont pu le faire ces dernières années, Aaltra est une réussite.
L'on suit intrigué ce voyage à la fois noir, délirant et en partie mutique avec ces deux protagonistes handicapés. La présence de Benoît Poelvoorde vient comme valider cet équilibre, lui qui incarne si bien ce mélange tragi-comique, cette crète étroite entre le rire et le sordide. Le rythme est un peu décousu mais le ton est là : entre comédie et noirceur profonde, il est la vraie réussite du film, qui part d’un rire amer, passe par la tristesse pour filer jusqu’au glauque.


jeudi 7 août 2025

Bad Taste (P. Jackson, 1987)

 



Peter Jackson, avant de connaître la gloire avec sa trilogie du Seigneur des anneaux, était déjà très connu par les fans de gore : ses premiers films sont devenus des références du genre, en particulier Braindead. Et, dans cette lignée, Bad Taste, sa toute première réalisation, constitue aujourd’hui un film culte.
Il n' s'qagit pourtant que d'une série Z horrifique largement oubliable où le réalisateur promène ses personnages au milieu d’ennemis zombiesques qui sont des extra-terrestres ayant pris (en début de film tout du moins) figure humaine et qui déchiquettent et dévorent des humains à tout va.
Le scénario est alors le prétexte pour un déferlement de sang et de giclures d’organes, au milieu d’un déversement de vomi ou de membres arrachés, le tout avec force détails horrifiques. Tout cela n’a pas grand sens même si le second degré et l'humour gore sont présents partout (et sont une volonté nette du réalisateur, même s'ils se conjuguent avec les petits moyens financiers qui contraignent forcèment le film). Cela dit, même si certains adorent et si le film a sa cohorte de fans, on peut aussi rester navré devant ce spectacle assez vain.


mardi 5 août 2025

Les Infidèles (E. Bercot, A. Cavayé, M. Hazanavicius, G. Lellouche, 2012)

 



Amusant film à sketchs qui renvoie, par bien des aspects, à Parlons femmes de Risi. On y retrouve le même plaisir potache de tirer à boulets rouges sur les personnages de dragueurs lourds, persuadés d’eux-mêmes, ou sur les dragueurs compulsifs ou incapables, brassant un peu les couches sociales. Le film n'hésite pas non plus (mais c’est bien dommage) à aller vers le gore un peu trash par moment.
Bien sûr les sketchs sont inégaux mais Jean Dujardin et Gilles Lellouche s’en donnent à cœur joie et prennent un plaisir manifeste à se grimer, à coup de coiffures improbables ou de styles variés, un peu comme le faisait Vittorio Gassman chez Risi.
On notera dans le sketch La Bonne conscience combien Jean Dujardin joue très bien le beauf incapable dont les ratées et les frustrations renvoient immédiatement à une vie glauque et vaine. Ce jeu, que l'on retrouvera notamment dans I Feel Good, est une vraie réussite de l’acteur qui parvient alors à osciller du comique au pathétique en un instant (un peu à la manière de Benoît Poelvoorde).

 

samedi 2 août 2025

Eyes Wide Shut (S. Kubrick, 1999)

 



Dernier film de Stanley Kubrick, arrivant quelques treize ans après Full Metal Jacket – et il était à ce titre très attendu à sa sortie – et qui est, par son thème et sa manière de faire, très surprenant. En effet le réalisateur met en scène le couple et, par là même, filme les émotions qui traversent les personnages. Or Kubrick, le plus souvent, ne cherche pas à émouvoir (même s'il y a, bien entendu, dans son oeuvre, des personnages émouvants, dans Lolita par exemple, ou des séquences émouvantes, comme la toute fin des Sentiers de la gloire ou la mort de HAL dans 2001). Mais Kubrick reste, très largement, un réalisateur cérébral. Ici il prend donc le contre-pied de sa tendance habituelle. Ainsi il emmène ses deux personnages vers un moment de crise, avec la révélation par Alice de son fantasme, révélation à la quelle répondra bientôt une errance de Bill dans les rues.
Mais ensuite Kubrick va rester très habilement sur l'étroite crête de l'incertitude : on ne sait trop si ce que vit Bill est réellement vécu ou s'il s'agit, pour lui aussi, de fantasmes. Encore que les indices s'accumulent et, très probablement, tout cela est fantasmé par Bill alors qu'il est prostré dans son taxi, parcourant les rues de New-York. C'est que Bill, dès lors qu'il ressort de chez lui pour aller voir un patient décédé, juste après la scène de la révélation du fantasme d'Alice, ne cesse de rencontrer, dans une succession de scènes, des femmes qui l'abordent, le veulent, le tentent. Le point d'orgue de cette enchaînement étant bien sûr la scène d'orgie qui a tout d'une séquence rêvée. Et, même si elle pourrait se dérouler, telle qu'elle est montrée, autour du rite d'une secte, elle est filmée de façon très onirique, et Bill, comme dans un rêve, justement, regarde mais n'agit pas.
La fin, d'ailleurs, après les explications de Ziegler, contribue à lever le doute. Bill se retrouve en famille, dans un magasin de jouets, et, à ce moment, ses questionnements ne concernent plus que son couple et ses interrogations de la veille (avec en point culminant la mort de la prostituée) sont complètement évacuées. Précisément comme si Bill était sorti de son rêve et revenait à la réalité simple (mais dure) de son couple.
On notera que la nouvelle dont s'inspire Kubrick – La Nouvelle rêvée d'Arthur Schnitzler –ne laisse, de son côté, guère de doute, quant à ce mélange entre réalité et fiction. Après Shining qui explorait la folie de Torrence qui venait torpiller sa famille, on retrouve alors, dans une volonté beaucoup plus brûlante et moins folle, cette volonté d'explorer l'intérieur d'un crâne : ici celui de Bill, envahi par le doute et l'image de sa femme le trompant.