Premier film important
de la Nouvelle Vague, Hiroshima mon amour
frappe d’abord par son récit qui détruit la narration classique : ici le
présent du couple étreint se mêle avec des souffrances d’Hiroshima, qui
viennent comme des diapositives, sans autre logique que l’énumération du
personnage.
Le film semble
d’abord montrer l’inanité de l’entreprise de mémoire, comme si le musée, les
rescapés, tout cela ne permettait pas de faire resurgir dans le présent l’idée
de la souffrance du passé.
Mais en réalité,
cette exploration d’une souffrance qui n’est pas la sienne va faire ressurgir
ses propres souffrances. Sa propre histoire, à la fois si différente et si
proche (c’est la même guerre), à la fois si ambiguë (on retrouve en elle le même
mélange qu’ont les civils devant la bombe : à la fois victimes et
coupables).
L’homme et la
femme, alors, qui fuyaient leur passé, vont pouvoir l’affronter : par la
parole, par l’interpénétration de leurs traumatismes, par leurs étreintes qui
viennent rassembler ces histoires.
Resnais,
renonçant à toute hiérarchie des souffrances, fait se rejoindre Nevers et
Hiroshima, heurte le film à coup de montages brusques, de sons qui
s’interrompent, de fulgurances visuelles, d’une évocation parfois incantatoire
(aussi bien de Emanuelle Riva que de Eiji Okada qui s’exprime en français
phonétiquement). Resnais poursuit ainsi son travail sur la mémoire, après Nuit et brouillard et avant L’année dernière à Marienbad. Les nappes
de passé viennent ici affronter le présent et elles s’entrecroisent dans le lit
du couple.
Le film a un
impact critique important mais, surtout, par sa liberté de narration et sa
liberté de montage, il aura beaucoup d’influence. Il faut souligner d’ailleurs
combien Alain Resnais est peut-être le réalisateur de la Nouvelle Vague qui a
eu le plus d’impact à l’étranger, en particulier auprès des jeunes réalisateurs
américains qui, une dizaine plus tard, seront au cœur du Nouvel Hollywood.
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