Étonnant film de
Vincente Minnelli puisque, en plein âge d’or d’Hollywood et en plein succès
personnel (il a déjà reçu plusieurs oscars), il réalise un film qui n’hésite
pas à montrer toute la cruauté de l’envers du décor, écornant l’image de l’usine
à rêves. Le récit développe en effet la personnalité complexe de l’ambitieux et
égoïste producteur Jonathan Shields.
Mais, avec
beaucoup d’intelligence, le portrait d’Hollywood, s’il est féroce, apparaît
beaucoup plus contrasté que de prime abord : si le producteur Shields est
un ambitieux sans scrupule, il y a néanmoins beaucoup de dualité dans cette
personnalité très forte. Astucieusement, le film construit la personnalité du
producteur à partir de de la vision qu’en ont trois acteurs, qui, tous ont
bénéficié du producteur avant de s’être fait trahir sans scrupule. Le récit
s’articule donc autour de trois flash-backs (technique de récit que l’on trouve
notamment chez Mankiewicz) qui font une lumière progressive sur ce producteur
pour qui la fin justifie les moyens : rien ne compte réellement – ni la
reconnaissance artistique, ni la reconnaissance humaine – si ce n’est l’aspect
financier : réaliser des profits à tout prix. La complexité des rapports
entre les personnages vient de ce que chacun des personnages, s’il a pu être
trahi par Shields, a aussi été amené à la gloire grâce à lui.
Au travers de ce
portrait à la fois nuancé et sans concession, Minnelli montre combien Hollywood
peut briser les carrières qu’il a contribué à façonner. Il montre aussi combien
le miroir aux alouettes de la gloire ne peut s’exonérer d’une superficialité,
combien le rêve, en fait, ne peut oublier la réalité. Et s’il est question
d’ensorcelés, ce peut être tout à la fois Georgia Lorrison, Fred Amiel et James
Lee Bartlow, ensorcelés par Jonathan Shields ; Jonathan
lui-même ensorcelé par le cinéma pour lequel il sacrifie tout ; ou le
spectateur lui-même, ensorcelé par la magie du cinéma, ce sublime art du faux.
Car ce film, en plus d’une lucide prise de conscience du cinéma lui-même, avec
ses interprètes magnifiques et légendaires, son propos nuancé et ironique, sa
totale maîtrise formelle, son noir et blanc savoureux, est un magnifique
exemple de magie que peut produire cet art du faux qu’est le cinéma.
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