mercredi 13 février 2013

Vampyr (Vampyr - Der Traum des Allan Grey de C. T Dreyer, 1932)




Œuvre magistrale et très novatrice de C. T. Dreyer, qui ouvre les portes d’un autre monde, celui d’un entre-deux indéfini, secret et fantomatique.
Dreyer part non pas de la trame de Stocker mais de nouvelles irlandaises (Carmilla et L’Auberge du dragon volant de J. S. Le Fanu) et il s’écarte du Nosferatu de W. F. Murnau aussi bien que du Dracula de T. Browning (jusqu’alors les deux œuvres – quoique très différentes – qui dominent le thème du vampirisme) pour proposer une vision totalement différente.
Le film de Dreyer est un voyage vers un lieu étrange, surnaturel, que l’on ne saisit pas vraiment. L’image est comme nimbée d’un voile qui recouvre tout, qui situe la narration hors du temps, hors de l’espace (la pellicule a été accidentellement surexposée, ce qui donne à l’image cette teinte ouatée particulière, presque impressionniste, que s’est approprié aussitôt Dreyer). Le trajet d’Allan Gray, qui s’installe à l’auberge, va de surprise en surprise et découvre le village menacé par le vampire, est comme un rêve ou plutôt comme un endormissement progressif (un état hypnagogique pourrait-on dire), qui conduit jusqu’à la vision par Allan de son propre ensevelissement dans un cercueil (par d’étonnantes vues en caméra subjective).



Plus que le récit bien construit d’une découverte, le film est donc une plongée progressive dans le surnaturel. Il n’est pas question ici de dérouler une histoire (qui serait une histoire d’épouvante, comme tant de films sur le thème) mais il est question d’une déambulation incertaine dans un entre-deux. Parcouru de personnages inquiétants, d’indices omniprésents de la mort qui rôde, d’un étrange livre qui décrit d’anciens rituels, cet entre-deux est rendu fascinant par le style de Dreyer.
C’est que la virtuosité et le génie de Dreyer éclatent à chaque plan : sa caméra est sans cesse en mouvements, avec des cadrages baroques, des angles de vue violents, et, toujours ce voile étrange sur l’image. Impossible donc de déchirer cette brume qui persiste, de s’appuyer sur le confort d’une narration distincte ou d’un plan calmé et raisonnable : ici tout n’est qu’incertitude, onirisme, cauchemar. Et on ressent combien c’est cette peinture étrange, parfois abstraite, bien plus que le récit lui-même, qui est le terrain du vampire, celui où il sévit et que c’est sa manière à lui d’entraîner le monde vers la mort.



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