Magnifique film
de Murnau, qui pousse très loin l’art cinématographique. Si l’absence
d’intertitre est célèbre dans ce film (qui devient donc, si l’on veut, un des
rares films muets sans paroles), c’est la virtuosité de Murnau qui explose à
chaque instant. Sa fluidité narrative et son inventivité à créer sans cesse des
images puissantes et novatrices sont stupéfiantes.
Le portier, fier
de son habit grâce auquel il obtenait envie et respect de ses voisins, est
changé de poste et, par là même, est obligé d’abandonner son beau costume. De
cette trame simple, Murnau va décortiquer l’âme du portier et de ses voisins
et, par là même, scruter l’âme humaine.
Si les
railleries pleuvent lorsqu’il devient préposé à l’entretien des toilettes,
c’est peut-être parce que ses voisins préfèrent la moquerie au soutien (le
pauvre est désespéré) mais c’est surtout parce que lui-même ne comptait que sur
sa tenue pour être admiré. Et le vieil homme, à l’heure de la vie où le
paraître pourrait compter moins, se retrouve sans rien, maintenant qu’il a
perdu son bel habit. Murnau fustige cet homme qui ne vit que par le regard
d’autrui et qui fait tourner la substance de sa vie sur la beauté de son habit,
susceptible d’impressionner ses voisins. Murnau fixe sa caméra sur une
population de basse condition (car les voisins qui se moquent sont bien pauvres
eux aussi) : la superficialité de tout faire reposer sur la prestance de
son habit quand on est si pauvre rajoute à l’aliénation du vieil homme. La pirouette
finale, tout à fait improbable et présentée comme telle, n’enlève rien à la
force du film.
Emil Jannings
trouve sans doute son meilleur rôle et Murnau parvient à magnifier (si c’était
possible) l’expressionnisme de son style dans cette fable noire urbaine.
Il s’agit du
dernier film allemand de Murnau, qui cèdera ensuite aux sirènes hollywoodiennes
(où il continuera de faire éclater la perfection de son style et de sa
maîtrise).
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire