Ce grand western
ouvre magnifiquement la série de films d’Anthony Mann avec James Stewart. Il ne
s’agit rien de moins que de cinq collaborations en cinq ans, pour autant de
chefs d’œuvre.
Suivront donc,
pour mémoire, après Winchester '73, Les Affameurs en 1952, puis L’Appât en 1953, Je suis un aventurier en 1954 et L’Homme de la plaine en 1955. On reste fasciné par cette densité et
par la qualité de la série (les films sont tous exceptionnels). Réalisé avec
une équipe semblable (notamment Borden Chase au scénario), les films sont servis
à chaque fois par James Stewart, toujours entouré de seconds rôles excellents,
parmi les plus fameux du cinéma (en particulier Arthur Kennedy, Donald Crisp,
Walter Brennan, Jack Elam, Robert Ryan, Dan Duryea, etc.).
Et cette série
de films trouve une homogénéité fascinante : Anthony Mann travaille et
retravaille son personnage, de sorte, que, à chaque fois, son personnage
principal semble être le même, mais enrichi d’une expérience supplémentaire, ou
d’une désillusion de plus, ou d’une fatigue accumulée, de sorte que si le
personnage porte toujours une colère ou se construit autour de certitudes,
celles-ci s’effritent chaque fois davantage, ses réactions s’affinent et deviennent
de plus en plus complexes. Les films dialoguent donc entre eux sans cesse et
forment un tout dont on se plaît à parcourir les entrelacs.
Ici, Lin McAdam
a une idée vissée dans la tête : celle d’assouvir une vengeance. On notera
combien, d’emblée, le ressort scénaristique restreint est bien peu
glorieux : la vengeance, dans le western est longtemps étrangère au héros.
Dans le western classique, on tue pour se défendre, parce qu’on n’a pas le
choix, mais pas pour se venger. Ou alors, si l’on veut se venger, on se range
du côté de la loi (Wyatt Earp dans La Poursuite infernale). Sinon on est davantage un outlaw qu’un héros (Ringo
dans Stagecoach).
Avec en toile de
fond cette idée force de vengeance (portée de façon pulsionnelle par James
Stewart, au jeu incroyablement riche qui parvient à donner une épaisseur
incomparable à ses personnages), le film suit en fil rouge le fameux fusil (une
winchester exceptionnelle) qui passe tragiquement de main en main. La
trajectoire de l’arme forme une boucle que l’on suit pas à pas et qui nous
emmène finalement entre les mains de Lin
qui s’en était fait déposséder en début de film. Ce faisant, l’histoire du film
rejoint la grande Histoire puisqu’elle évoque successivement Wyatt Earp à
Tombstone, les guerres indiennes et le général Custer ou encore la Guerre de
Sécession.
Mann joue
parfaitement d’une narration resserrée et sèche (le film n’a pas une once de
gras) et sait rendre le film passionnant. Ces mouvements de caméra, sa maitrise
du cadre sont parfaits. Le dénouement du film, sur ce plan, est absolument
exceptionnel, avec un duel final dans les rochers entre Lin et Dutch qui est
filmé avec virtuosité.
Malgré toutes
ces qualités qui font de Winchester '73
un western admirable, les personnages n’ont toutefois pas la profondeur
psychologique qu’ils auront par la suite. Lin va réellement au bout de sa
vengeance (ce n’est plus le cas dans d’autres films de la série) et, même si,
on l’a dit, la soif de vengeance lui a ôté une partie de ses attributs de
héros, le récit reste assez manichéen. Là aussi une des forces de la série sera
d’indifférencier de plus en plus le héros et le bad guy, jusqu’à rendre moralement
indiscernables poursuivant et poursuivi.
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