Un des meilleurs films d’Orson Welles, déroutant et
imparfait par bien des aspects, mais avec des séquences fulgurantes. Welles, on
le sait, vit une relation on ne peut plus douloureuse avec Hollywood et, sur ce
film encore, pour de nombreuses raisons (ses dépenses immodérées, la rancune du
producteur Harry Cohn, etc.), il n’aura pas les mains libres (le montage final,
notamment, lui échappera totalement).
La Dame de Shanghai oscille entre film noir et film
d’aventures. Du film noir, il garde le destin tragique qui frappe Michael
O’Hara (qui sait pertinemment dans quel piège il tombe mais qui y tombe quand
même), des personnages faux, visqueux et manipulateurs, une femme fatale et une
ambiance sombre, noire et tragique. Du film d’aventures, il prend le
déplacement incessant des personnages à bord du yacht, d’un port à l’autre.
Michael O’Hara est un marin qui plonge tête baissée dans
un panier de crabes. Des différents passagers du yacht, il n’y en a pas un qui
rattrape l’autre, avec Bannister le mari impuissant mais manipulateur, l’associé
visqueux et vicieux et la femme fatale qu’il désire puissamment (Rita Hayworth
dans un rôle où elle troque son érotisme brûlant – révélé dans Gilda – pour les habits froids du requin
prêt à tout).
On sait bien que le scénario ne tient pas vraiment la
route, mais là n’est pas ce qui intéresse Welles. Beaucoup moins que dans ses
autres films, il ne fait l’exposé de son style : ici la caméra est beaucoup
plus discrète, loin de l’inventivité de Citizen Kane ou de la virtuosité de La Soif du mal. En revanche l’atmosphère est très réussie : on baigne dans un
onirisme puissant et étrange, avec des connotations surréalistes étonnantes qui
mettent mal à l’aise et accroissent les dimensions perverses des personnages.
La séquence finale – qui englobe notamment la fameuse
séquence des miroirs – est exceptionnelle. Sans être un exercice de virtuosité
pure comme Welles sait les faire, elle embrase le film dans un moment happant
et décisif.
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