mercredi 26 juin 2013

Conversation secrète (The Conversation de F. F. Coppola, 1974)




Très bon film de Francis Ford Coppola, qui réussit à imposer ses volontés aux studios pour réaliser ce film intime et personnel. La réalisation de Conversation secrète était en effet une condition à la réalisation du deuxième volet du Parrain.
Très loin de la magnificence du Parrain, ce film sur un homme spécialisé dans l’écoute et qui, un jour, se met réellement à écouter, est une vraie réussite. Le ton un peu gris, austère, rehaussé de notes de jazz, autour d’une technicité aujourd’hui dépassée (toutes ces méthodes d’enregistrements, de bandes magnétiques, de micros, etc.). Mais celle-ci reste fascinante et, avec une intrigue qui devient de plus en plus opaque et incertaine à mesure que Harry Caul la subit, elle compose un film intime, décalé, émaillé de touches de mélancolie désabusée.
Gene Hackman est excellent dans son interprétation d’Harry Caul : c'est un homme intériorisé, renfermé sur lui-même, qui passe son temps dans son atelier comparable à une grande cage d’acier froide et déshumanisée, qui épie mais ne manifeste rien. Coincé dans une claustrophobie aliénante et solitaire, il est dans un monde à côté du réel, réel qu’il surveille, guette, écoute, dans une quête obsessionnelle pour isoler un élément, un son, une phrase. Il semble être un avatar du privé en pardessus des films noirs des années 50, il apparaît maintenant technicisé, déployant ses stratagèmes à coups de micros cachés, épiant de loin, distant et froid.


À force de chercher à éradiquer les interférences qui brouillent les voix des conversations volées, Harry écoutera une fois le sens de ce qui se dit, et, bien entendu, il ne comprend pas réellement ce qu’il entend (ceux qu’ils pensaient être des victimes sont en réalité des assassins). Écouter encore et encore ne résoudra rien et, progressivement, plongé dans une situation qui lui échappe, pris dans une machination dont il se retrouve l'objet, Harry verra son propre univers se retourner contre lui quand il comprend qu’il est épié dans son propre appartement sans parvenir à débusquer les micros installés.

La mise en scène parfaite joue à cache-cache, met des flous en plein cadre, isole dans la foule, tourne autour des personnages, les cache dans des recoins et les coince dans le cadre. La séquence d’introduction est, à ce titre, magistrale, avec l’enregistrement complexe d’une discussion dans la foule.
Cette vie passée à traquer autrui fait penser à un Fenêtre sur cour audio et non plus visuel et Conversation secrète emprunte bien sûr à Blow-Up ce motif de l’interprétation multiple, non plus d’images mais de sons (sujet que reprendra Brian De Palma dans Blow Out). Le jeu de complot qui se dévoile évoque évidemment, avec une étonnante prescience, le scandale du Watergate.


Ce film montre l’étendue de la palette de Coppola, l’un des plus protéiformes des réalisateurs du Nouvel Hollywood, et assurément l’un des plus géniaux.
On retrouvera une déclinaison du personnage (en reprenant Gene Hackman) dans Ennemi d’État de Tony Scott.

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