Très bon film de
Francis Ford Coppola, qui réussit à imposer ses volontés aux studios pour
réaliser ce film intime et personnel. La réalisation de Conversation secrète était en effet une condition à la réalisation
du deuxième volet du Parrain.
Très loin de la
magnificence du Parrain, ce film sur
un homme spécialisé dans l’écoute et qui, un jour, se met réellement à écouter,
est une vraie réussite. Le ton un peu gris, austère, rehaussé de notes de jazz,
autour d’une technicité aujourd’hui dépassée (toutes ces méthodes
d’enregistrements, de bandes magnétiques, de micros, etc.). Mais celle-ci reste fascinante et, avec une intrigue qui devient de plus en plus opaque et
incertaine à mesure que Harry Caul la subit, elle compose un film intime,
décalé, émaillé de touches de mélancolie désabusée.
Gene Hackman est
excellent dans son interprétation d’Harry Caul : c'est un homme intériorisé, renfermé
sur lui-même, qui passe son temps dans son atelier comparable à une grande cage d’acier
froide et déshumanisée, qui épie mais ne manifeste rien. Coincé dans
une claustrophobie aliénante et solitaire, il est dans un monde à côté du réel,
réel qu’il surveille, guette, écoute, dans une quête obsessionnelle pour isoler un
élément, un son, une phrase. Il semble être un avatar du privé en pardessus des
films noirs des années 50, il apparaît maintenant technicisé, déployant
ses stratagèmes à coups de micros cachés, épiant de loin, distant et froid.
À force de
chercher à éradiquer les interférences qui brouillent les voix des
conversations volées, Harry écoutera une fois le sens de ce qui se dit, et,
bien entendu, il ne comprend pas réellement ce qu’il entend (ceux qu’ils
pensaient être des victimes sont en réalité des assassins). Écouter encore et
encore ne résoudra rien et, progressivement, plongé dans une situation qui lui
échappe, pris dans une machination dont il se retrouve l'objet, Harry verra son propre
univers se retourner contre lui quand il comprend qu’il est épié dans son
propre appartement sans parvenir à débusquer les micros installés.
La mise en scène
parfaite joue à cache-cache, met des flous en plein cadre, isole dans la foule,
tourne autour des personnages, les cache dans des recoins et les coince dans le
cadre. La séquence d’introduction est, à ce titre, magistrale, avec
l’enregistrement complexe d’une discussion dans la foule.
Cette vie passée
à traquer autrui fait penser à un Fenêtre sur cour audio et non plus visuel et Conversation
secrète emprunte bien sûr à Blow-Up
ce motif de l’interprétation multiple, non plus d’images mais de sons (sujet
que reprendra Brian De Palma dans Blow Out). Le jeu de complot qui se dévoile évoque évidemment, avec une
étonnante prescience, le scandale du Watergate.
Ce film montre
l’étendue de la palette de Coppola, l’un des plus protéiformes des réalisateurs
du Nouvel Hollywood, et assurément l’un des plus géniaux.
On retrouvera
une déclinaison du personnage (en reprenant Gene Hackman) dans Ennemi d’État de Tony Scott.
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