Seize ans plus tard,
George Lucas reprend son enfant chéri Star Wars et lance une prélogie, avec des
moyens financiers colossaux et des effets-spéciaux de pointe (deux éléments qui
l’avaient bridés lors du tournage du premier film). Las, malgré un succès
colossal (lié à la fois à l’attente des nombreux fans et aux gigantesques
opérations de promotion), la déception est énorme.
En effet, au-delà
d’une réalisation sans imagination (on se dit que, phagocyté par Star Wars, Lucas ne retrouvera plus
jamais sa verve créatrice du début), le film patauge complètement en cherchant
à joindre les deux bouts, entre l’héritage de l’univers de la série et un
cahier des charges exigeant.
C’est que le
film doit, tout à la fois, respecter l’univers de Star Wars et être un film familial. Par familial il faut entendre
que le film n’est plus seulement destiné aux adolescents (comme c’était le cas
lors du premier film), mais il cherche aussi à plaire aux enfants. Sur ces deux
points, le film est un échec.
Tout d’abord, si
Lucas a construit un univers cohérent dans les premiers épisodes, il a, semble-t-il, oublié à quel point un tel univers est fragile mais essentiel. En
effet un univers de science-fiction, lorsqu’il est construit de toute pièce
comme ici, doit jongler toujours avec un
certain nombre d’éléments scientifiquement limites mais qui sont considérés
comme acquis pour qui veut entrer dans le film. Par exemple, dans l’univers de La Guerre des étoiles, il est convenu
que les vaisseaux vont plus vite que la lumière. De même il est
convenu qu’une Force est ressentie et maîtrisée par les Jedi, et qu’elle leur
permet, entre autres choses, de contrôler certains esprits, de ressentir un
équilibre ou une dissonance dans la Nature, de bouger des objets, etc. Cette
Force est décrite comme une religion par ces détracteurs qui, ne la ressentant pas,
n’y « croient » pas. Et cet univers fait évidemment partie du charme des films.
Ici Lucas brise
toute cohérence en n’hésitant pas à définir scientifiquement cette Force en lui
donnant une existence concrète au travers de l’invention des midi-chloriens, qui sont des micro-organismes
symbiotiques. Définir scientifiquement cette Force (en dosant le taux de
midi-chloriens pour détecter les futurs Jedi) détruit les conventions
mises en place dès le début de la saga. D’un enseignement de vieux sages qui
« sentent » les choses, on passe à une prise de sang pour calculer le
taux de midi-chloriens ! Lucas cherche ensuite à joindre les deux bouts
(celui de la religion et celui de la science) en évoquant l’idée qu’Anakin Skywalker
est conçu par les midi-chloriens et qu’il est « l’Elu ». Bien entendu
tout cela est ridicule, on se demande quelle mouche à bien pu piquer les
scénaristes.
La volonté de
conquérir de nouveaux publics jeunes est sans doute à l’origine de l’existence
du personnage de Jar-Jar Bink. Ce personnage laisse pantois. Sa création est celle
d'un réalisateur qui ne sent pas son film et qui ne parvient pas à trouver le
dosage entre l'action et l'humour. Lucas avait, il est vrai, une pépite dans
les trois premiers épisodes : il s’agit du personnage de Han Solo (vrai héros
attachant de la saga, bien plus que Luke), dans lequel Harrison Ford projette
ce mélange délicieux de décontraction et d'aventure. Marque de Harrison Ford
(mais non création, il y a bien des acteurs qui ont su avant lui mélanger ainsi
la décontraction et l'aventure), suivant une recette qu'il appliquera avec
bonheur dans les Indiana Jones. Dans les premiers épisodes
il y avait bien les échanges entre C3-PO et R2D2 qui amenaient une variante
burlesque, mais c'est surtout Han Solo qui s'en chargeait. Or ici point de Han
Solo et les personnages sont tous extrêmement sérieux. Dès lors le scénariste
s'est trouvé face à un problème : comment insuffler une dose d'humour dans le
film ? Lucas & Co n'ont rien trouvé de mieux que d'inventer un personnage
uniquement comique, burlesque, gaffeur, ce qui confine au ridicule à côté des
autres personnages qui sont, eux, on ne peut plus sérieux. Dès lors le ton du
film se perd, l'équilibre entre action/humour/tragique n'est pas trouvé. Non,
Han Solo ne tire pas la langue quand il est contrarié. Ce n’est pas la peine de
déployer des effets numériques à tout va pour créer un tel personnage. Bien sûr
ce personnage est une bénédiction pour élargir le public. Les premiers Stars Wars étaient des films
d'adolescents, ici on cherche à accrocher les enfants en sus.
À ces deux
faillites – détruire un univers et ne pas trouver le juste ton – se rajoutent
diverses aberrations scénaristiques. Et remarquons que le morceau de bravoure
du film – la séquence célèbre de course de podracers –, si elle est tout à fait
spectaculaire, peine à se justifier. Elle est en fait complètement déconnectée
du reste du scénario et prend une importance énorme alors que c'est une
séquence absolument secondaire dans l’intrigue. Cette course est traitée comme
une séquence finale alors qu'elle n'est qu'un élément secondaire. Et, même, la
séquence finale est très en-dessous (d'ailleurs on l'oublie très vite, on se
tire dessus à droite à gauche, rien d'éblouissant). On pensait que ce type
d'erreur scénaristique n'avait plus cours dans ce genre de productions où le
spectaculaire est un fonds de commerce bien rodé.
Le retour de la
saga Star Wars s’accompagne donc
d’une destruction en règle de ce qui faisait la substance même des premiers
épisodes : un univers propre qui happe le spectateur et un équilibre entre
l’action et l’humour, le tout combiné offrant un spectacle plaisant. Rien de
tout cela ici : le film apparaît comme un space
opera banal, un peu grotesque, qui exhibe des signes de la saga Star Wars comme autant de gimmicks mais
sans que le charme n’opère.
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