samedi 5 octobre 2013

Star Wars, épisode I : La Menace fantôme (Star Wars: Episode I – The Phantom Menace de G. Lucas, 1999)




Seize ans plus tard, George Lucas reprend son enfant chéri Star Wars et lance une prélogie, avec des moyens financiers colossaux et des effets-spéciaux de pointe (deux éléments qui l’avaient bridés lors du tournage du premier film). Las, malgré un succès colossal (lié à la fois à l’attente des nombreux fans et aux gigantesques opérations de promotion), la déception est énorme.
En effet, au-delà d’une réalisation sans imagination (on se dit que, phagocyté par Star Wars, Lucas ne retrouvera plus jamais sa verve créatrice du début), le film patauge complètement en cherchant à joindre les deux bouts, entre l’héritage de l’univers de la série et un cahier des charges exigeant.
C’est que le film doit, tout à la fois, respecter l’univers de Star Wars et être un film familial. Par familial il faut entendre que le film n’est plus seulement destiné aux adolescents (comme c’était le cas lors du premier film), mais il cherche aussi à plaire aux enfants. Sur ces deux points, le film est un échec.

Tout d’abord, si Lucas a construit un univers cohérent dans les premiers épisodes, il a, semble-t-il, oublié à quel point un tel univers est fragile mais essentiel. En effet un univers de science-fiction, lorsqu’il est construit de toute pièce comme ici, doit jongler toujours avec un certain nombre d’éléments scientifiquement limites mais qui sont considérés comme acquis pour qui veut entrer dans le film. Par exemple, dans l’univers de La Guerre des étoiles, il est convenu que les vaisseaux vont plus vite que la lumière. De même il est convenu qu’une Force est ressentie et maîtrisée par les Jedi, et qu’elle leur permet, entre autres choses, de contrôler certains esprits, de ressentir un équilibre ou une dissonance dans la Nature, de bouger des objets, etc. Cette Force est décrite comme une religion par ces détracteurs qui, ne la ressentant pas, n’y « croient » pas.  Et cet univers fait évidemment partie du charme des films.
Ici Lucas brise toute cohérence en n’hésitant pas à définir scientifiquement cette Force en lui donnant une existence concrète au travers de l’invention des midi-chloriens, qui sont des micro-organismes symbiotiques. Définir scientifiquement cette Force (en dosant le taux de midi-chloriens pour détecter les futurs Jedi) détruit les conventions mises en place dès le début de la saga. D’un enseignement de vieux sages qui « sentent » les choses, on passe à une prise de sang pour calculer le taux de midi-chloriens ! Lucas cherche ensuite à joindre les deux bouts (celui de la religion et celui de la science) en évoquant l’idée qu’Anakin Skywalker est conçu par les midi-chloriens et qu’il est « l’Elu ». Bien entendu tout cela est ridicule, on se demande quelle mouche à bien pu piquer les scénaristes.

La volonté de conquérir de nouveaux publics jeunes est sans doute à l’origine de l’existence du personnage de Jar-Jar Bink. Ce personnage laisse pantois. Sa création est celle d'un réalisateur qui ne sent pas son film et qui ne parvient pas à trouver le dosage entre l'action et l'humour. Lucas avait, il est vrai, une pépite dans les trois premiers épisodes : il s’agit du personnage de Han Solo (vrai héros attachant de la saga, bien plus que Luke), dans lequel Harrison Ford projette ce mélange délicieux de décontraction et d'aventure. Marque de Harrison Ford (mais non création, il y a bien des acteurs qui ont su avant lui mélanger ainsi la décontraction et l'aventure), suivant une recette qu'il appliquera avec bonheur dans les Indiana Jones. Dans les premiers épisodes il y avait bien les échanges entre C3-PO et R2D2 qui amenaient une variante burlesque, mais c'est surtout Han Solo qui s'en chargeait. Or ici point de Han Solo et les personnages sont tous extrêmement sérieux. Dès lors le scénariste s'est trouvé face à un problème : comment insuffler une dose d'humour dans le film ? Lucas & Co n'ont rien trouvé de mieux que d'inventer un personnage uniquement comique, burlesque, gaffeur, ce qui confine au ridicule à côté des autres personnages qui sont, eux, on ne peut plus sérieux. Dès lors le ton du film se perd, l'équilibre entre action/humour/tragique n'est pas trouvé. Non, Han Solo ne tire pas la langue quand il est contrarié. Ce n’est pas la peine de déployer des effets numériques à tout va pour créer un tel personnage. Bien sûr ce personnage est une bénédiction pour élargir le public. Les premiers Stars Wars étaient des films d'adolescents, ici on cherche à accrocher les enfants en sus.



À ces deux faillites – détruire un univers et ne pas trouver le juste ton – se rajoutent diverses aberrations scénaristiques. Et remarquons que le morceau de bravoure du film – la séquence célèbre de course de podracers –, si elle est tout à fait spectaculaire, peine à se justifier. Elle est en fait complètement déconnectée du reste du scénario et prend une importance énorme alors que c'est une séquence absolument secondaire dans l’intrigue. Cette course est traitée comme une séquence finale alors qu'elle n'est qu'un élément secondaire. Et, même, la séquence finale est très en-dessous (d'ailleurs on l'oublie très vite, on se tire dessus à droite à gauche, rien d'éblouissant). On pensait que ce type d'erreur scénaristique n'avait plus cours dans ce genre de productions où le spectaculaire est un fonds de commerce bien rodé.

Le retour de la saga Star Wars s’accompagne donc d’une destruction en règle de ce qui faisait la substance même des premiers épisodes : un univers propre qui happe le spectateur et un équilibre entre l’action et l’humour, le tout combiné offrant un spectacle plaisant. Rien de tout cela ici : le film apparaît comme un space opera banal, un peu grotesque, qui exhibe des signes de la saga Star Wars comme autant de gimmicks mais sans que le charme n’opère.



Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire