vendredi 3 janvier 2014

Le Deuxième souffle (J. P. Melville, 1966)




Très grand film de Jean-Pierre Melville, qui commence à maîtriser de bout en bout son propre univers. À partir non pas directement des films noirs américains, mais de l’image qu’il en a, Melville construit un monde particulier, immédiatement identifiable. En portant son regard sur le milieu de la pègre, Melville parle d’amitié, de trahison, de solitude, d’honneur. Autant de motifs qui traversent son œuvre et qui sont ici magnifiés.
Les acteurs sont admirables, quand bien même Lino Ventura et Melville ne s’entendent pas du tout (ils se retrouveront pourtant dans L’armée des ombres, chacun ayant conscience de la valeur de l’autre), et marquent de leur empreinte le film. Paul Meurisse, en commissaire lucide sur le milieu de la pègre, est remarquable.



Melville filme de longues séquences sans paroles (bien que le film soit moins taiseux que les polars qui suivront), tout en art du cadrage et du montage, pour peindre un personnage ou filmer une action avec sécheresse. C’est ce mélange de personnages et de silence, de motifs du film noir transposés dans un univers lent et géométrique, qui constituent la matière du film. En le comparant avec les polars français contemporains, ceux de Lautner (Les Tontons flingueurs) ou de Verneuil (Mélodie en sous-sol), on comprend toute la spécificité de l’univers original et unique de Melville.
Si le film est parfaitement maîtrisé et abouti et s’il s’impose comme l’un des plus grands polars français, Melville ira beaucoup plus loin dans ses recherches formelles avec Le Samouraï, où il fera tendre son univers vers l’abstraction.



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