Très grand film
de Jean-Pierre Melville, qui commence à maîtriser de bout en bout son propre univers. À partir non pas directement des films noirs américains, mais de
l’image qu’il en a, Melville construit un monde particulier, immédiatement
identifiable. En portant son regard sur le milieu de la pègre, Melville parle
d’amitié, de trahison, de solitude, d’honneur. Autant de motifs qui traversent
son œuvre et qui sont ici magnifiés.
Les acteurs sont
admirables, quand bien même Lino Ventura et Melville ne s’entendent pas du tout
(ils se retrouveront pourtant dans L’armée
des ombres, chacun ayant conscience de la valeur de l’autre), et marquent
de leur empreinte le film. Paul Meurisse, en commissaire lucide sur le milieu
de la pègre, est remarquable.
Melville filme
de longues séquences sans paroles (bien que le film soit moins taiseux que les
polars qui suivront), tout en art du cadrage et du montage, pour peindre un
personnage ou filmer une action avec sécheresse. C’est ce mélange de
personnages et de silence, de motifs du film noir transposés dans un univers
lent et géométrique, qui constituent la matière du film. En le comparant avec les
polars français contemporains, ceux de Lautner (Les Tontons flingueurs) ou de Verneuil (Mélodie en sous-sol), on comprend toute la spécificité de l’univers
original et unique de Melville.
Si le film est
parfaitement maîtrisé et abouti et s’il s’impose comme l’un des plus grands
polars français, Melville ira beaucoup plus loin dans ses recherches formelles
avec Le Samouraï, où il fera tendre
son univers vers l’abstraction.
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