Film éblouissant sur l’amour
fou, plein de tendresse et de lyrisme. Quand on pense aux chefs-d’œuvre du muet, on cite Murnau ou Chaplin et on oublie souvent Borzage. Pourtant on touche
ici une perfection.
Ce film muet extraordinaire est tourné en pleine transition muet-parlant : la version proposée aux USA est une version parlante (les acteurs ont dû prendre des cours de diction). C’est donc le dernier film muet de Borzage (retrouvé en 1990) et c’est un chef-d’œuvre absolu. On comprend, en le voyant, le mot d’Hitchcock quand il disait « au muet il ne manquait que la parole » : avec le parlant beaucoup de choses ont été perdues.
On comprend aussi qu’il ait fallu bien des années au parlant pour produire à son tour des chefs-d’œuvre. Même le génie de Chaplin aura bien du mal à s’en accommoder et il ne se sera jamais aussi bien exprimé avec le parlant qu'il ne l'a fait au temps du muet. Ce qu’il fait passer à travers son personnage de Charlot (qui restera à jamais muet, même dans Les Temps modernes) est bien plus fin et touchant que le discours lourd qui clôt Le Dictateur. Borzage est ainsi l’un des très rares réalisateurs à avoir su produire des chefs-d’œuvre muets, mais aussi parlants (en particulier The Mortal Storm).
Le couple star Charles Farrell et Janet Gaynor est plein de poésie, vibrant. On est loin du « réalisme » des
sentiments (aujourd’hui on cherche sans cesse à coller au réel, semble-t-il), on
est dans le lyrisme, dans l'exaltation, quand l'amour peut renverser des montagnes. Et la neige, l’eau, la lumière, tout est sublime. Il y a du Vermeer dans certaines scènes, quand la lumière vient doucement se poser, par petites touches, sur le front de Mary, sur son profil, sur l'anse du seau. C’est à la fois sobre, lumineux, très beau.
La fin du film, en particulier, est merveilleuse et miraculeuse (dans le sens religieux du terme).
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