Extraordinaire film de J.
Cassavetes, âpre et difficile, assez hermétique même, comme le sont souvent les
films du réalisateur, qui, comme à chaque métrage, fait durer chaque scène pour
la presser à l’extrême, jusqu’à l’épuiser (avec notamment des plans-séquences
très longs). C’est ainsi que les personnages vont et viennent, se fracassent
contre la réalité. On retrouve donc cette forme d’essentialisme typique de Cassavetes :
pas question de passer à autre chose tant que la scène n’a pas livré sa sève
ultime.
La mise en abyme, à l’intérieur du film,
entre une comédienne et le rôle qu’elle doit interpréter, fait bien entendu
écho à la seconde mise en abyme entre l’actrice réelle (et non plus le
personnage) et son rôle dans le film. En filmant le théâtre, Cassavetes explore
ainsi la frontière entre la réalité et la scène, à tel point que cette frontière
devient floue. Cassavettes reprend ainsi la principale trame d'Ève, où Bette Davis jouait le rôle d'une star vieillissante. Ici Myrtle (Gena Rowlands), actrice vieillissante,
renâcle à jouer un rôle de femme vieillissante, jusqu’au drame (une fan meurt
sous ses yeux). Cette mort faisant irruption dans sa vie accélère sa remise en
question, et elle doit dépasser son propre regard sur sa vieillesse, sur son être
finissant, pour ensuite pouvoir, peut-être, jouer cette pièce. On suit alors l’errance
de Myrtle, sa frustration qui se perd dans l’alcool, son désespoir de ne plus être
ce qu’elle était ; Myrtle qui se retrouve, se jette sur la scène,
improvise. La dernière séquence (réellement improvisée par les acteurs – le script
leur laissant toute liberté) est extraordinaire. La fusion du style Cassavetes
prend corps.
Gena Rowlands est incroyable, pleine
de cette classe qui lui est propre, un peu asymétrique et fragile,
désenchantée. Comme souvent, Cassavetes, par sa manière de filmer
(plan-séquence, cadrage serré, gros plans qui s’attardent, etc.) parvient à
capter l’incandescence de son jeu d’actrice.
On tient dans ce film le très grand
hommage d’un cinéaste iconoclaste au théâtre et au comédien.
Le film inspirera beaucoup, depuis
Almodovar qui lance Tout sur ma mère de
la même manière (un admirateur meurt dans un accident juste après avoir
entraperçu la star), jusqu’à Innaritu dans Birdman
(qui est un lointain descendant – lointain par sa médiocrité – d’Opening Night).
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