lundi 3 mars 2014

Pickpocket (R. Bresson, 1959)




Film magistral, Pickpocket est sans doute le film de Bresson où son style si marqué  sert le mieux son propos.  En effet, ici plus que dans tout autre de ses films, ce style fait de sobriété, d’austérité et d’une simplification parfois extrême du dispositif cinématographique, loin de recroqueviller le récit, permet de l’élargir et de le rendre universel.
Le film est ainsi basé sur des répétitions de séquences, des vides, des silences, des ellipses narratives, des manques. Bresson minimise les effets, réduit la musique (mais la bande son est toutefois très importante), et, ce qui est peut-être le plus flagrant, cherche à se passer du jeu des acteurs. Le texte est dit d’une voix monocorde et blanche, les personnages restent les bras ballants (sauf lors des moments virtuoses de vols !), sont à peu près inexpressifs et jouent très peu les émotions (à peine voit-on quelques larmes sur le visage de Michel à l’enterrement de sa mère). Et ce procédé, bien loin de restreindre le film, rend transposable à l’infini la situation qu’il propose.


L’histoire de ce jeune homme qui se cherche, commence par se perdre pour parvenir à se trouver (et à trouver l’âme sœur) est déclinable à loisir. Ici il se perd dans le vol à la tire, se pourrait être une autre arnaque, une passion compromettante, un crime peut-être bien. Le récit s’inspire librement de Crime et Châtiment dont on retrouve quelques grands axes, en particulier le parcours de Michel – qui ira de la faute à la rédemption en passant par la punition – et sa relation avec le policier, qui est compréhensif et cherche à le préserver.
La virtuosité acquise progressivement va de paire avec l’audace grandissante de Michel. Michel qui s’enferme peu à peu dans la solitude du voleur, et tourne progressivement le dos à ceux qui l’aiment et veulent l’aider. Dans des séquences éblouissantes (et qui contrastent avec la sécheresse habituelle de la mise en scène), Bresson filme les combines des voleurs, leur dextérité qui les voit extirper les portefeuilles des poches ou délier les boucles des montres, le ballet des objets volés qui passent de main en main.


L’orgueil de Michel, qui se sent au-dessus des autres et, ce faisant au-dessus des lois, sera puni. Sa rédemption viendra par Jeanne dont il s’aperçoit qu’elle est capable de faire battre son cœur : il est alors révélé à lui-même.


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