Film magistral, Pickpocket est sans doute le film de
Bresson où son style si marqué sert le
mieux son propos. En effet, ici plus que
dans tout autre de ses films, ce style fait de sobriété, d’austérité et d’une
simplification parfois extrême du dispositif cinématographique, loin de
recroqueviller le récit, permet de l’élargir et de le rendre universel.
Le film est
ainsi basé sur des répétitions de séquences, des vides, des silences, des
ellipses narratives, des manques. Bresson minimise les effets, réduit la
musique (mais la bande son est toutefois très importante), et, ce qui est
peut-être le plus flagrant, cherche à se passer du jeu des acteurs. Le texte
est dit d’une voix monocorde et blanche, les personnages restent les bras
ballants (sauf lors des moments virtuoses de vols !), sont à peu près
inexpressifs et jouent très peu les émotions (à peine voit-on quelques larmes
sur le visage de Michel à l’enterrement de sa mère). Et ce procédé, bien loin de restreindre le film, rend transposable à l’infini la situation
qu’il propose.
L’histoire de ce
jeune homme qui se cherche, commence par se perdre pour parvenir à se trouver
(et à trouver l’âme sœur) est déclinable à loisir. Ici il se perd dans le vol à
la tire, se pourrait être une autre arnaque, une passion compromettante, un
crime peut-être bien. Le récit s’inspire librement de Crime et Châtiment dont on retrouve quelques grands axes, en
particulier le parcours de Michel – qui ira de la faute à la rédemption en
passant par la punition – et sa relation avec le policier, qui est compréhensif
et cherche à le préserver.
La virtuosité
acquise progressivement va de paire avec l’audace grandissante de Michel. Michel
qui s’enferme peu à peu dans la solitude du voleur, et tourne progressivement
le dos à ceux qui l’aiment et veulent l’aider. Dans des séquences éblouissantes
(et qui contrastent avec la sécheresse habituelle de la mise en scène),
Bresson filme les combines des voleurs, leur dextérité qui les voit extirper
les portefeuilles des poches ou délier les boucles des montres, le ballet des
objets volés qui passent de main en main.
L’orgueil de
Michel, qui se sent au-dessus des autres et, ce faisant au-dessus des lois,
sera puni. Sa rédemption viendra par Jeanne dont il s’aperçoit qu’elle est
capable de faire battre son cœur : il est alors révélé à lui-même.
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