Admirable
western, chef-d’œuvre incontestable, qui est un classique du genre (alors qu’il
est pourtant assez tardif). L’équilibre qui se dégage du film parle de lui-même :
on est ici dans l’expression de l’aboutissement d’un genre, bien plus qu’une
simple perfection formelle, et qui contient toute cette épaisseur impalpable
propre aux chefs-d’œuvre. Au travers d’un classicisme et d’une transparence toute
hollywoodienne, Hawks, sans chercher le moins du monde à renouveler le genre, parvient
pourtant à une harmonie peut-être jamais atteinte dans un western.
Le film, en effet,
est parfait à bien des égards : Hawks maîtrise totalement son sujet et se
concentre simplement sur la vie d’un petit groupe hétéroclite, organisé autour
du shérif. Il les enferme dans une petite ville, et même dans la prison, et
les fait assiéger par une petite armée voulant délivrer leur comparse. Et ce
sont les relations au sein de ce petit groupe qui forment le cœur du film, en
plus d’apporter charme, chaleur et humour.
La formation
même du groupe est savoureuse : le shérif reçoit de l’aide sans même la
demander et entre l’alcoolique, le vieux grincheux ou le petit jeune, il ne
sait trop à qui pouvoir se fier. C’est dans ce jeu intimiste que réside toute la
substance du film, bien loin des prairies immenses de La Rivière rouge ou des Indiens de La Captive aux yeux clairs.
En effet, en
vieillissant, Hawks réduit son champ et affine ses analyses. Il prend ainsi le
temps de filmer son groupe, d’y faire naître et vivre sous nos yeux cette
amitié propre au genre, mélange de solidarité, de virilité, de fierté et
d’honneur.
Et il s’applique
à montrer, pour chacun d’eux, comment l’action qu’ils mènent les transforme. À
ce titre, le combat de Dude (Dean Martin) contre la déchéance de l’alcoolisme
est célèbre et remarquable. Jusqu’à ces scènes mémorables, l’une où il est humilié,
à genoux devant le crachoir, et l’autre, en pleine réhabilitation, où le sang
du blessé poursuivi goutte dans son verre.
Ce western sera une source de ravissement et d’inspiration inoubliable, dans des genres bien différents : depuis Hawks lui-même qui en réalise un remake quelques années plus tard (El Dorado), jusqu'à J. Carpenter, dont Assaut reprend les grands traits. On notera d’ailleurs, chez Carpenter, une propension toute hawksienne à s'écarter de toute vraisemblance ou de toute justification scénaristique, pour dérouler une scène qui lui plaît ou un moment qui l'intéresse. Filmer une bagarre pendant dix minutes (Invasion Los Angeles) ou laisser à son héros le temps de s'asseoir tranquillement pour fumer une cigarette, alors que le temps lui est terriblement compté (New York 1997) : ces scènes trouvent leur inspiration dans celle, étonnante, de Rio Bravo où les personnages, assiégés dans leur prison et en mauvaise posture, poussent la chansonnette, pour leur simple plaisir. Et le nôtre.
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