Film très beau
et très dur de Bergman, qui enferme dans un huis clos funèbre une femme
mourante, veillée par ses deux sœurs et sa servante.
Filmant la
violente agonie d’Agnès, martyrisée par la maladie, Bergman expose ce corps torturé
qui se convulse et les gémissements de douleur d’Agnès font bientôt place à des
hurlements impossibles à contenir et qui sont le point d’ancrage de Bergman
pour dévoiler la vie des quatre femmes. C’est que, figées, les sœurs ne peuvent
rien pour Agnès, et il n’y a guère qu’Anna, la servante, qui peut se presser
contre elle et lui offrir sa chaleur.
Le film fouille
alors la vie glacée des sœurs, passe derrière leur apparence et les met à nu. Bergman,
comme le médecin le fait avec le visage de Maria (dans une séquence
exceptionnelle), dissèque les vies des sœurs, révèle les non-dits tus trop
longtemps et profondément cachés derrière les apparences de l’aristocratie.
Toute la fausseté et la superficialité du monde se fait alors jour.
A l’âpreté
éprouvante de l’agonie d’Agnès, répond la forme austère et concise de Bergman,
qui saisit les regards, s’attarde sur les visages et les scrute. On pense à
Lévinas, qui, dans sa philosophie, insiste sur l’importance du visage dans
la relation à autrui.
Bergman enferme
ses personnages dans une puissante couleur rouge, omniprésente, et improbable
qui recouvre tout. Ce rouge qui fait écho à la maladie d’Agnès, à la tentative
de suicide du mari de Maria, à la mutilation de Karin et, de façon générale,
aux entrailles et au corps féminin en souffrance. Jusqu’aux tentures pourpres
qui sont comme des saignements. Et Bergman insiste : c’est par des fondus
au rouge que le film glisse dans les souvenirs de chacune…
Dans ce monde de
femmes bientôt révélé, la domination des hommes, dure et sèche, se fait jour.
Le face à face de Karin et de son mari, dans un repas glacial, suivi de sa
mutilation volontaire pour échapper à son désir, est une séquence fascinante et
magistrale.
Et, passé
l’enterrement, tout le rigorisme des couples refait surface. Aussitôt les sœurs
ne parviennent plus à communiquer. Il n’est que le journal d’Agnès, lu une fois
qu’elle est morte par Anna après sa mise à la porte sans ménagement, que la vie
– rêvée, fantasmée, ressentie – se dessine.
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