Remarquable film de George Stevens, qui, en adaptant l'extraordinaire roman de Theodore Dreiser,
tisse un drame poignant et dur qui oppresse progressivement le spectateur.
George Eastman (excellent Montgomery
Clift) se voit proposer par son oncle – un riche industriel – une place dans
son usine. Il devient progressivement l’amant d’Alice, une ouvrière qui travaille
à ses côtés. Mais, lors d’une réception organisée par son oncle, il côtoie la
riche société et en particulier la belle Angela qui s’éprend de lui. Le voilà
alors coincé entre deux mondes.
Au fur et à mesure du film, George est
plongé dans un tourment inextricable – entre honnêteté morale vis-à-vis d’Alice
ou ascension fulgurante rêvée aux côtés de la sublime Angela – dont il
n’entrevoit pas d’autre issue que le meurtre. Cette situation est
intelligemment accentuée par le scénario : l’amour sincère que se portent
Georges et Angela est le seul sentiment réel et profond du film, toutes les autres relations étant
polluées par le désir de paraître (superficialité du monde des riches) ou par le
destin social (mariage forcé voulu par Alice). Et cette tentation du meurtre (doublée
d’une tentative à laquelle il renonce trop tard) sera à l’origine de sa
déchéance, quand bien même il n’a pas mis en œuvre, réellement et consciemment,
le crime qu’il a imaginé.
Stevens décrit avec beaucoup
d’acuité et d’acidité les relations qui se nouent entre, d’une part, George et
Alice, l’ouvrière, et, d’autre part, George et Angela, la fille de bonne
famille. Il montre ainsi comment deux mondes qui ne se mélangent pas sont ici
raccordés sans même le savoir, et comment George, inévitablement, est écartelé
entre les deux. Stevens filme parfaitement l’opposition des deux mondes :
l’oisiveté facile et joyeuse d’un côté, le labeur triste et vain (sordide, même,
finalement) de l’autre. Liz Taylor campe une Angela éblouissante et pétillante
de fraîcheur quand Shelley Winters incarne parfaitement l’ouvrière d’abord
souriante mais bientôt engoncée dans un destin social sinistre.
George devient l'amant de Alice la petite ouvrière... |
... avant d'être séduit par la pétillante Angela. |
Stevens filme remarquablement la
première scène où George croise Angela : elle ne le voit même pas, il
n’existe pas pour elle. Cette scène montre à la fois combien George est attiré d’emblée
par Angela (mais qui ne le serait pas ?) qui va représenter pour lui le soleil
qu’il rêve d’atteindre mais qu’il sait aussi inatteignable. Dès lors il ne peut
guère espérer plus qu’Alice, la petite ouvrière.
Première rencontre avec Angela : Georges est transparent |
Et c’est lorsque George sera dans
les bras d’Angela (séquences où Montgomery Clift joue remarquablement la
torture insidieuse que provoque sa situation), lorsqu’ils passeront un moment
au bord du lac – moment cinématographique qui est filmé comme un jardin d’Eden
– qu’il conçoit son idée de meurtre : il entrevoit là un moyen de résoudre
son problème. L’enfer vient donc côtoyer le jardin d’Eden. Le ton du film, alors, sera de plus en plus ténébreux et désabusé.
La séquence sur la barque est
extraordinaire. On pense évidemment à L’Aurore
de Murnau où pareillement, le paysan ne parvient pas à aller au bout de son
projet (la séquence est même répétée dans L’Aurore
puisque le paysan fait un tour en barque avec sa maîtresse qui lui propose
de noyer sa femme pour ensuite refaire le même tour en barque, précisément pour
la noyer).
La séquence en barque dans L'Aurore de Murnau |
La même séquence, dans Une place au soleil |
Woody Allen proposera, dans Match Point, un remake lointain du film. Les modifications
apportées au scénario sont
importantes (en particulier une fin totalement différente) mais la comparaison entre les deux films reste passionnante.
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