Si le cinéphile,
très simplement, est celui qui aime le cinéma, il y a bien des façons de l’aimer.
Le cinéphile doit tout d’abord se garder de deux extrêmes. Le premier est celui de la boulimie sans discernement, où l’on se goinfre d’une multitude de films, en aimant à peu près tout : ingurgiter de tout, le plus possible. On remarquera que cet excès épouse souvent un refus de toute analyse au nom de l’amour du cinéma. Et il peut aussi aller vers la pathologie de l’accumulation – on pourrait parler de cinémanie en accolant le suffixe du collectionneur – avec cette insatisfaction permanente de ne jamais avoir tout vu.
Le cinéphile doit tout d’abord se garder de deux extrêmes. Le premier est celui de la boulimie sans discernement, où l’on se goinfre d’une multitude de films, en aimant à peu près tout : ingurgiter de tout, le plus possible. On remarquera que cet excès épouse souvent un refus de toute analyse au nom de l’amour du cinéma. Et il peut aussi aller vers la pathologie de l’accumulation – on pourrait parler de cinémanie en accolant le suffixe du collectionneur – avec cette insatisfaction permanente de ne jamais avoir tout vu.
L’autre excès est à l'opposé : c'est le cinéphile extrêmement exigeant, qui refusera de prendre part à un
repas qui ne lui semblera pas assez noble et goûtu. Ce cinéphile dédaigne les films faciles ou sans grande prétention, il ne jure que par
les « grands » films en balayant bien des films d’un revers de main
avec des réflexes de snobisme. Cette exigence absconse ne jauge bien souvent le
film qu’à l’aune de la signature d’un réalisateur ou de la renommée (d’un film,
d’un courant, d’un style) universitaire et savante.
Il semble bien
qu’entre ces deux pôles, il y ait bien d'autres cinéphilies. A propos
de cette vie de « regardeur », Serge Daney disait que « le cinéphile est celui qui sait
qu’entre l’espace réel de la salle de cinéma qui représente la société et
l’espace imaginaire, il est faux de penser qu’il existe une ligne, ou une
frontière ». Et il ajoutait que le cinéphile « est celui qui, même face à un film qui vient de sortir, un
film au présent, sent déjà passer l’aile du « cela aura été » ».
Et, à sa suite, on peut s’interroger (avec bonne foi, sans connaître les réponses, qui sont bien loin d’être évidentes) :
Et, à sa suite, on peut s’interroger (avec bonne foi, sans connaître les réponses, qui sont bien loin d’être évidentes) :
- Peut-on être
cinéphile sans avoir été marqué, enfant, par des films (des films parfois
simplement racontés et fantasmés, avant d’avoir pu être vus) ?
- Peut-on être
cinéphile en dédaignant le cinéma américain (au seul prétexte qu’il est américain ou qu’il est une industrie boulimique d’argent) ?
- Peut-on être cinéphile
en détestant certains films qu’il est de bon ton d’aimer ?
- Peut-on être cinéphile en n'aimant pas Hitchcock, Renoir ou Mizoguchi ?
- Peut-on être cinéphile en ne connaissant pas Hitchcock, Renoir ou Mizoguchi ?
- Peut-on être cinéphile en n'aimant pas Hitchcock, Renoir ou Mizoguchi ?
- Peut-on être cinéphile en ne connaissant pas Hitchcock, Renoir ou Mizoguchi ?
- Peut-on être
cinéphile sans jamais aller au cinéma (la télévision et maintenant le vidéoprojecteur
privé étant des concurrents sévères) ?
- Peut-on être
cinéphile en ne connaissant que le cinéma contemporain ?
- Peut-on être cinéphile en ignorant totalement le cinéma contemporain ?
- Peut-on être cinéphile en ignorant totalement le cinéma contemporain ?
- Peut-on être
cinéphile en ignorant des pans entiers du cinéma ?
- Etc.
Bien entendu, se pose aussi une autre question, qui interpelle la vie de l'esprit : peut-on être uniquement cinéphile (c'est-à-dire ne faire interagir les films qu'entre eux dans notre esprit, sans les faire résonner avec d'autres œuvres d'art) ?
Et, si l’on veut s’arrêter
malgré tout sur un point qui nous semble irréductible, c’est qu’il va sans dire
que toute cette culture filmique, si elle ne doit être accumulée que pour elle-même, si elle ne doit jamais servir à la vie de l’esprit, n'est qu’une
érudition stérile et une passion à peu près vaine.
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