Film célèbre et éblouissant, Les Enfants du paradis est un incontestable
chef-d’œuvre. Marcel Carné et Jacques Prévert trouvent ici un ton parfait, à la fois dans l’équilibre
entre l’aspect romantique et l’aspect théâtral, mais aussi dans le portrait d’individus
très contrastés. Et Carné parvient, en plus de ces portraits
travaillés d’individus, à reconstituer la vie foisonnante du boulevard du Crime
dans le Paris du XVIIIème siècle. Malgré les contraintes du tournage en pleine guerre, malgré la censure de Vichy, une poésie inaltérable, gracieuse, et très belle enrobe le film.
Le boulevard du Crime |
Le film est porté par des acteurs extraordinaires,
dont le jeu permet de dépasser le classicisme de la mise en scène de Carné et d'inscrire l'oeuvre dans la mémoire des spectateurs, en particulier
Arletty (délicieuse en Garance), Jean-Louis Barreault (qui joue à merveille le mime Deburau), Pierre Brasseur (son
Frédérick Lemaître est inoubliable) et Marcel Herrand qui compose un Lacenaire
fascinant.
Marcel Herrand en Lacenaire |
Il est remarquable que, alors que les
dialogues de Prévert sont célèbres à juste titre, le numéro de mime de
Jean-Louis Barrault, soit lui aussi inoubliable. L’idée de départ était d’ailleurs
un film sur le mime Deburau, mais il est devenu, en plus de ces scènes de mime, un
des plus beaux films de dialogues. On a en effet un superbe entremêlât de tons,
avec la gouaille naïve d’Arletty, la verve de Pierre Brasseur, la causticité de
Marcel Herrand ou encore la froideur hautaine de Louis Salou.
C’est ainsi que se dessinent des personnages variés,
poétiques, rêveurs, ambitieux, orgueilleux ou idéalistes. Et c’est cette galerie de personnages qui
épaissit le film et l’enrichit remarquablement, bien plus que les relations
entre les personnages, qui sont en fait assez sommaires (relations d’amour et de
jalousie principalement).
Ces récits entremêlés convergent tous vers la
même triste conclusion : celle de l’impossibilité de l’amour à rendre
heureux. Les amours légers de Frédérick Lemaître, aussi bien que l’amour romantique
de Baptiste ou celui possessif de Nathalie, rien n’y fait, chacun des personnages,
à sa façon, vit tristement.
Cette conclusion, un peu simple et naïve (on a
là la touche de Prévert…) mais touchante, tranche avec le ton du film, en
particulier sa première partie, enlevée et truculente.
On se souvient que Truffaut, encore critique, éreintait Carné de ses critiques acerbes, avant de lui avouer, bien plus tard, devenu réalisateur, qu'il donnerait tous ses films pour avoir réalisé Les Enfants du paradis...
Jean-Louis Barrault et Arletty |
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