Incroyable film
qui apparaît comme une longue discussion sur la souffrance amoureuse, sur la
recherche de l’équilibre amoureux et sur les jeux de faux semblants qui y sont
liés.
La Maman et la putain est absolument
typique de la Nouvelle Vague, par ses thèmes (on ne sort pas des quartiers et
des préoccupations de la petite bourgeoisie de jeunes adultes), par ses acteurs
(Léaud évidemment) par son ton détaché qui rompt avec celui des quinquagénaires
d’alors, par sa forme (exit les studios et autre montage bien léché).
Le film est ainsi
le reflet absolu de son époque, dans un lieu précis – Saint-Germain-des-Prés –,
où la jeune bourgeoisie oisive glose sans fin, sur la philosophie, sur l’art, sur
le communisme, etc. Et, bien entendu, c’est là le cœur du film, il se centre
sur la liberté sexuelle, alors que les fracas de mai 68 sont encore tout
proches. Et le « jouissez sans
entrave ! » propre à la période semble tout à coup plus complexe que
prévu. Difficile d’être de son temps, difficile de se détacher si aisément des
affects et des tourments. Et voilà toute l’histoire : Alexandre s’interroge,
souffre, cherche à se détacher mais n’y parvient pas.
On note plusieurs
échos à La Recherche du temps perdu
(explicitement cité dans le film) jusque dans son format (3h40 de film, qui
sont comme un parallèle aux milliers de pages de La Recherche).
Jean Eustache s’épargne
le passage par les formes habituelles du récit et de la dramatisation qui y est
associée : il explique que « La Maman et la putain est le récit de certains faits d'apparence anodine, la description du cours normal des événements sans le raccourci schématique de la dramatisation cinématographique. » Il recherche ainsi une forme de vérité en ne coupant pas les temps morts, en laissant le temps diégétique s'imposer par de longues scènes où il refuse les ellipses sur le banal. Dès lors le banal semble au cœur du film. Que d’oisiveté dans ce film,
où l’on parle sans fin, dans une chambre ou au café, à discuter de quel verre d’alcool
on va prendre, à fumer lentement une cigarette ! Eustache épuise la scène
en allant au bout de la représentation : il cherche à parvenir à une forme
de vérité, malgré la forme cinématographique. D’où de longs monologues, d’où
des digressions sans fin (mais pas sans but), d’où le ton improbable des
acteurs. Ici l’incroyable ton de fausse « naturelleté » de
Jean-Pierre Léaud, qu’il adopte depuis ses tout débuts, fait merveille. De même
Françoise Lebrun qui parle jusqu’à en pleurer, jusqu’à en vomir (au sens propre
comme au figuré : c’est sur cette éructation ultime que Eustache achève
son film).
On tient là un
film exceptionnel, reflet d’une période cinématographique (la Nouvelle Vague
française) et borne incontournable du cinéma mondial.
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