samedi 8 novembre 2014

Dressé pour tuer (White Dog de S. Fuller, 1982)



Dressé pour tuer White dog Samuel Fuller Affiche Poster

Très intéressant film de Samuel Fuller, même s'il manque d'ambition dans sa forme. On sait que Fuller est adepte d'un style direct ou âpre, mais on a l'impression ici de voir un médiocre film de série B daté, (actrice principale quelconque, ambiance qui laisse le spectateur trop en dehors de l'action). Pourtant le propos est particulièrement riche, sur un sujet difficile à traiter.

En effet le film aborde le thème archi-rebattu du racisme. Le personnage principal (si l'on veut) est un chien qui a été dressé pour attaquer les Noirs. Le chien est donc devenu raciste : il déchaîne sa violence dès qu'il voit un Noir mais il est par ailleurs adorable avec la jeune maîtresse (blanche) qui l'a recueilli. La position de Fuller est donc clair : on ne naît pas raciste, on le devient.
Dès lors – et c'est à cela que s'emploie le film – on doit pouvoir dé-construire ce qui a été construit. Keys, un dresseur (noir), décide de le rééduquer. Il y parvient dans un sens, puisque, à force d'abnégation, il se fait accepter par le chien. Mais il n'y a plus que lui et sa jeune maîtresse qui sont épargnés par la violence du chien : celui-ci se rue sur le premier blanc qu'il croise.
Serge Daney qui explique très bien que, une fois le problème du racisme réglé, il reste celui de la violence :
« Fuller ne croit pas plus au déconditionnement qu'un psychanalyste croit en une cure de quelques jours. Le scénario est bon mais il manque de temps. Même guéri, le chien ne le serait pas de sa violence mais du caractère raciste de celle-ci. Il faut lui apprendre à ne plus procéder par généralisation et le seul moyen pour y parvenir et de lui apprendre le caractère « singulier » de chaque être humain. Un par un. Et pour ce qui est de capter la singularité des êtres, Fuller, « individualiste forcené », n'a pas son pareil. Le chien a appris à aimer Julie, qui l'a sauvé, puis Keys qui l'a « apprivoisé ». Le chien aime deux êtres au monde = le monde humain est réduit à deux êtres. Restent les autres, le groupe encore plus grand – Blancs et Noirs – de ceux qu'il ne connaît pas. Le chien ne réussira pas à accéder au concept d'« espèce humaine ». Il est passé d'une mauvaise généralisation (le racisme) à l'incapacité à généraliser. »

Autre très bonne idée de Fuller : lorsque le vrai propriétaire du chien vient le réclamer, on va enfin découvrir le salopard qui l'a dressé avec une telle haine raciste. Surprise : c'est un papy rondouillard et tranquille, qui vient avec ses deux gentilles petites-filles...

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire