Chef-d’œuvre
absolu de Chaplin, La Ruée vers l’or est un film éblouissant.
Enfin
indépendant financièrement, Chaplin investit sans limite : grand nombre de
figurants (en particulier dans la scène d’ouverture), trucages complexes
(cabane qui oscille), tournage très long à deux caméras, etc. Le scénario prend
appui sur l’épisode historique de la recherche d’or au Canada en 1898, et
plusieurs épisodes sont inspirés d’histoires réelles. Cela dit le scénario
laisse assez vite la recherche de l’or de côté : les leitmotivs de
Charlot sont la survie puis la romance avec Georgia (il vend d’ailleurs son
matériel de prospection après une demi-heure de film).
Mais
Chaplin tient là la substance de son film : il parvient à faire rire à
partir de situations dramatiques. La scène où Charlot et son compagnon d’infortune
en sont réduits à manger leur chaussure est en soi absolument tragique mais
elle déclenche pourtant un rire universel. Il faut dire que le génie burlesque de Chaplin est irrésistible.
La Ruée vers l’or
est la plus belle illustration de la capacité incroyable de Chaplin de passer d’un
ton à l’autre : du rire le plus universel à l’émotion la plus forte en un
instant, comme par un coup de baguette magique. On sait qu’allier ces deux tons
est très difficile, ici le va-et-vient est permanent. En un instant, en un
regard, on rit et puis on est ému. Le personnage de Charlot, évidemment, est en
lui-même le catalyseur de ces émotions, puisqu’il ressent sans cesse beaucoup d’affects
et passe, en une seconde, de la tristesse à l’exaltation.
Il y a pourtant bien des moments purement dramatiques : par exemple la violence de Black
Larsen qui tue des policiers, la solitude de Chaplin en arrivant dans le
saloon ou encore sa tristesse quand Georgia l’ignore ou bien lorsqu'elle se moque de lui.
Dès lors Charlot, personnage très sensible, passe sans cesse de la tristesse à l’exaltation, du désespoir au rêve et les scènes
légendaires s’accumulent (la cabane qui oscille au bord du ravin, Charlot qui est pris
pour un poulet, etc.) emportant le spectateur qui suit Charlot et passe, comme
lui, du rire aux larmes.
Et
le film est merveilleusement poétique : l’extraordinaire Danse des petits pains est un moment rêvé par Charlot, lorsqu’il s’endort en attendant ses invitées
qui ne viennent pas.
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