Très bon film de Sacha Guitry, dont le propos est indissociable de la
performance de Michel Simon, truculent.
Bien entendu Guitry s’amuse à forcer le trait de ses personnages en
partant de deux frères que tout oppose. On retrouve donc ce classique thème du
double (voir par exemple Copie conforme
de Dréville) qui est le prétexte pour Guitry d'approfondir un peu le sujet,
tout en gardant le même ton savoureux habituel.
Son frère jumeau que personne ne connait étant mort sous ses yeux, Albert
a maintenant la chance de pouvoir devenir quelqu’un d’autre et de repartir de
zéro du point de vue moral.
La scène de l’enterrement est savoureuse : Albert assiste à son
propre enterrement (!) et c’est l’occasion pour lui de voir s’étaler toute
l’hypocrisie sociale qui l’entourait.
Pouvoir recommencer sa vie est une variation du moment où George
Bailey, dans La vie est belle, voit
ce qu’aurait été le monde s’il n’avait pas vécu. Ici Albert, mécontent de sa vie,
de ce qu’il est pour les autres, tout en conservant le même statut social, a la
chance de pouvoir tout recommencer, en vivant autrement avec ses proches, en
gérant ses entreprises différemment. La morale est étonnante puisqu’en réalité
Albert est bien effectivement le mari
de sa femme et il gère ses propres entreprises, son propre argent.
Le film, parfois teinté d’amertume, évoque Dostoïevski quand il fait
dire à Fiodor Karamazov : « Quand je vais vers les gens, il me
semble que je suis le plus vil de tous, et que tout le monde me prend pour un
bouffon ; alors je me dis : « faisons le bouffon, je ne crains
pas votre opinion, car vous êtes tous, jusqu’au dernier, plus vils que moi ! ».
Voilà pourquoi je suis bouffon, par honte, éminent père, par honte. Ce n’est
que par timidité que je fais le crâne. Car si j’étais sûr, en entrant, que tous
m’accueillent comme un être sympathique et raisonnable, Dieu, que je serais bon ! ».
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