vendredi 8 mai 2015

L'Intendant Sansho (Sanshô dayû de K. Mizoguchi, 1954)



L'Intendant Sansho Keni Mizoguchi Poster Affiche

Chef-d’œuvre de Mizoguchi qui décrit un Japon féodal malmené et encore rivé à des valeurs anciennes. La perfection de Mizoguchi éblouit à chaque plan. Sa mise en scène est limpide et sereine : son talent de conteur est à son apogée (le film est tourné au cœur d’une période extrêmement créatrice de Mizoguchi où, en deux ans, il réalise quatre films exceptionnels).
Il parvient à captiver et à émouvoir en emportant le spectateur au XIème siècle, dans un univers où les valeurs morales sont encore féodales, fondées sur la verticalité d’une violence maître-esclave.

On suit la trajectoire de Zushio et de sa sœur Anju, trajectoire qui impose de traverser le temps et les épreuves, comme un lent parcours initiatique. Et le film ne joue pas sur des rebondissements, mais sur un ensemble d’étapes successives.
Tout est terrible dans cette trajectoire : leur capture enfants, la dureté impitoyable de Sansho (il marque ses esclaves au fer rouge ou les torture – autant de scènes suggérées et traitées hors-champ par Mizoguchi), le sacrifice de Anju, jusqu'aux retrouvailles finales de Zushio avec sa mère, séquence qui emmène le film – malgré sa tristesse – vers un accomplissement éblouissant d'émotion.

Même si le film est centré sur des protagonistes masculins, ce sont des femmes – comme si souvent chez Mizoguchi – qui permettent le renversement de la société en place : d’une part Anju qui se sacrifie, mais aussi leur mère qui, au loin, ressasse sa comptine tant et plus qu’elle parvient aux oreilles de ses enfants. Toutes deux parviendront à infléchir Zushio qui, progressivement tombé sous la coupe de Sansho, retrouvera les valeurs de son père pour les imposer.

Le suicide d'Anju

La portée symbolique du film est extraordinaire, d’autant plus que Mizoguchi ne donne aucune leçon au spectateur (malgré le thème central bien tentant de l’esclavage). Il ne cherche pas des solutions à l’injustice ou à l’esclavage mais il cherche à casser les repères mis en place dans la société qu’il décrit, société en ruine, en transition, où les anciennes valeurs (celles de l’Intendant) vont pouvoir laisser place, progressivement, aux valeurs du père de Zushio (valeurs qui, au début du film, lui ont valu son exil). Le cœur du film est l’itinéraire de Zushio plus que la recherche d’une morale sociale. La démission de Zushio après qu’il a été nommé gouverneur est révélatrice : son itinéraire n’est pas encore achevé, quand bien même il a aboli l’esclavage.
C’est à travers cet accomplissement individuel que Mizoguchi, même s'il parle du Japon du XIème siècle, est universel. Un film parfait et éblouissant.


L'Intendant dominant ses nouveaux esclaves

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