Très bon film
d’Elia Kazan, qui s’attarde sur des thèmes qui lui sont chers et qui
apparaissent aujourd’hui d’une étonnante modernité.
La richesse du
film vient de ce que des oppositions sont posées d’emblée mais elles ne cesseront,
par la suite, d’être mises à mal et complexifiées : par exemple, le fonctionnaire
administrateur Chuck (Montgomery Clift, très juste), persuadé de se débarrasser
dans la journée de cette histoire de grand-mère à expulser et qui, par la suite, comprendra
de plus en plus viscéralement les raisons d’être de cette communauté mais ne
pourra rien faire, finalement, contre les puissances administratives qu’il
représente ; ou encore Carol, la petite-fille de la dite grand-mère qui tombe amoureuse
de ce fonctionnaire qui représente l’ennemi ; ou Chuck, toujours, plus prompt à
aider les Noirs de la ville que les autochtones racistes et violents.
Et de cette
trame dense naît un bel hymne sur la racine des êtres : nul n’est
déracinable facilement, nul n’est interchangeable. Une maison n’en vaut pas une
autre, une terre n’est pas équivalente, aussi simplement, à une autre terre. Chacun
est attaché, par son histoire, ses parents, par le labeur, à des éléments, à la
nature. Endiguer le fleuve sauvage revient à chercher à déraciner les hommes de
ce qui fonde leurs particularités. Cette thèse de Kazan, magnifiquement
illustrée, a le bon goût de ne pas être traitée selon un manichéisme simple que
l’on pouvait craindre (en réduisant le progrès à une épouvantable machine
administrative qui détruit la nature et fait perdre leur âme aux hommes).
Ce sujet très
moderne (la construction d’un barrage qui menace d’engloutir une communauté recluse
sur une île) et cette réflexion sur les attaches des individus, trouve des
échos dans de nombreux films depuis Délivrance
à La forêt d’Emeraude, en passant par Mud – Sur les rives du Mississippi.
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