Très bon film
qui propose le mélange original de deux univers qui, d'ordinaire, ne se
côtoient pas. Il y a d'une part la description réaliste de la traque de
rebelles par les fascistes espagnols. C'est un univers réaliste montré comme
très cruel, violent, avec des scènes de meurtres gratuits, de torture, etc.
D'autre part le film explore, aux côtés d'Ofélia, un monde imaginaire qui est
peuplé de fées, de faunes ou de monstres. Ce monde imaginaire renvoie à Alice au
pays des merveilles ou au Magicien
d'Oz. Mais cet univers de conte bascule assez vite vers un univers qui n'a plus
rien d'enfantin, car il se révèle lui aussi, tout autant que la réalité,
terrifiant et violent (ainsi le monstre qui dévore les fées par exemple).
Del Toro joue
sur de nombreux effets cinématographiques pour mettre en parallèle ces deux
mondes. Le monde réel est montré dans des couleurs gris bleuté, il est terne,
froid ; alors que le monde imaginaire a des teintes dorées, rougeâtres,
chaudes. De même la bande son change d'un monde à l'autre (le crépitement
d'insectes, par exemple, annonce le surgissement de l'imaginaire) et on voit
des grains de pollen dorés voleter à chaque fois qu'Ofélia se laisse emporter.
Pourtant ces
deux mondes, qui sont d'abord présentés parallèlement l'un à l'autre,
s'entrecroisent de plus en plus au fur et à mesure du film.
On trouve en
effet de la douceur et de l'humanité dans la réalité pourtant très dure
(Mercedes qui est douce avec Ofélia, le médecin qui apparaît très
humain) ; et inversement la cruauté fait son apparition dans le monde
imaginaire. Les deux univers se rejoignent à la fin, quand Ofélia est abattue
par Vidal au milieu du labyrinthe.
Ensuite les
épreuves rencontrées par Ofélia trouvent leur source dans la réalité à laquelle
elle est confrontée. Ainsi le crapaud qui empêche l'arbre de vivre est le
pendant imaginaire de son petit frère qui affaiblit sa mère (et qui provoquera
sa mort lors de l'accouchement) ; de même le monstre sans yeux, inspiré du
tableau de Goya Saturne dévorant un de
ses fils, correspond au capitaine Vidal qui finira par la tuer. Enfin le refus
de sacrifier son demi-frère trouve un terrible équivalent dans la réalité.
Pale man dans Le Labyrinthe de Pan |
Saturne dévorant un de ses fils de F. Goya (1819) |
Dès lors les
séquences imaginées par Ofélia suivent la structure des rêves lorsqu’ils
reprennent, en les déformant, des événements qui ont marqué la journée. Ce
monde imaginaire est donc une fausse échappatoire : il n’est que le reflet
de la réalité. On comprend alors qu'il soit si effrayant.
Le fascisme est personnifié
au travers du Capitaine Vidal (très bon Sergi Lopez) : il est violent, froid,
sans scrupule. Il est présenté comme l’élément imperturbable d'une mécanique implacable.
On le voit captivé par les rouages de sa montre, alors qu’il est lui aussi un
des rouages de la machine fasciste. Il ne conçoit pas que le monde puisse être
autrement que ce qu'il en pense (il se montre narquois face au médecin qui
insinue que son enfant pourrait être une fille ; il ne voit pas que Mercedes
est une traître du fait de son arrogance), il est obsédé par les détails (il se
rase avec application, il utilise une loupe pour régler soigneusement sa
montre) et il est indifférent aux personnes, à la vie.
Le monstre sans
yeux est l'incarnation, dans le monde imaginaire d'Ofélia, du Capitaine :
lorsque le monstre dévore les fées, c'est une image du fascisme qui dévore le
peuple espagnol.
Del Toro affirme
sa condamnation du fascisme dans la mort du capitaine Vidal. Celui-ci veut
mourir de manière digne, mais il est abattu sèchement après avoir été privé de
son rôle de père (« il ne saura rien de toi » lui dit Mercedes à
propos de son fils). Del Toro choisit en outre d'inverser le sens de l'histoire :
dans le film le capitaine est tué, les rebelles arrivent donc à vaincre le mal.
La réalité est toute autre : les résistants seront battus et la dictature
perdurera encore pendant vingt ans. D'ailleurs qui peut croire que les rebelles
gagnent réellement ? Le médecin le dit bien : un autre capitaine
viendra remplacer celui qui est mort, leur combat est vain.
On trouvera la charge contre le
fascisme forte mais un peu passéiste : qui ne condamne pas les dictatures fascistes, qu'ils s'agissent de celle de Franco ou d'autres ?
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