vendredi 23 octobre 2015

La Dernière chance (Fat City de J. Huston, 1972)




Très grand film de John Huston (peut-être son meilleur) bien qu’il se passe d’une véritable histoire : c’est plutôt une double errance, celle de deux quidams, qui sont de petits boxeurs, l’un plus vieux de dix ans par rapport à l’autre. Dix ans, c’est un monde, en boxe (la différence entre une carrière qui débute et une carrière finie), et c’est un gouffre immense entre ces deux paumés. Car ce sont bien deux paumés, l’un, Tully (Stacy Keach), avachi et acceptant son sort, l’autre, Ernie (Jeff Bridges), qui croit encore que les choses iront mieux : sa vie est faite de petits boulots et de tristes matchs de boxe, mais il espère encore.
On ressent à quel point ces dix ans pèsent toute une vie, quand on voit, assis côte à côte, Tully et Ernie. On ne sait si Tully incarne le passé et Ernie le présent ou Tully le présent et Ermie l’avenir. En fait il semble bien qu’il n’y ait plus ni présent ni avenir : tout est dissout, les vies de chacun d’eux – comme celle du vieux barman tremblotant qui les sert – sont achevées.

Tully (Stacy Keach) et Ernie (Jeff Bridges)
Steacy Keach est exceptionnel. Il incarne l’épave désabusée qu’est Tully, qui, un jour va travailler dans les champs pour ramener quelques dollars, un autre jour s’acoquine avec une pauvre femme incapable et saoule (extraordinaire Susan Tyrrell), reprend ses gants un autre jour encore comme s'il y croyait mais retombe aussitôt. A travers lui Huston filme l’Amérique de l’échec, d’un ton juste et tragique. Ici la boxe n’est pas un moyen de s’extirper socialement (comme dans beaucoup de films sur le thème), elle n’est qu’un minuscule miroir aux alouettes (Tully, s’il fut pro, ne fut jamais grand boxeur). L’Amérique, une nouvelle fois, est lucide sur ce qu’elle est.


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