Chef-d’œuvre de F. Lang, M Le Maudit reste aujourd’hui encore
d’une puissance visuelle et intellectuelle étonnante. Le cinéma de F. Lang est
décidément un instrument bien aiguisé pour disséquer une société et les
rapports entre individus.
S’éloignant progressivement de
l’expressionnisme, Lang offre un récit réaliste tendu et implacable. Il
utilise, en outre, à la perfection le son (installant des ambiances, jouant
avec le hors-champ, montrant même la propagation autonome des cris de la mère
dans la première séquence), montrant au passage qu’il fait partie des quelques-uns
à avoir réalisé des chefs d’œuvre muets et parlants.
La première séquence, célébrissime,
est une perfection : le jeu des enfants en ronde au centre de la petite cour, la
mère blanchisseuse qui attend vainement sa petite fille et dont les appels
résonnent dans la cage d’escalier déserte, l’ingénuité de la petite Elsie, l’ombre
sinistre sur le kiosque, le sifflotement du meurtrier, le ballon qui roule et s’envole
dans le silence. Autant de symboles que Lang utilisera tout au long du fil et viendront
servir sa mise en scène pour évoquer plutôt que montrer.
De même, le montage parallèle
montrant les actions conjointes de la police et de la pègre, puis la recherche
du meurtrier et son procès, voilà autant de séquences parfaites et fascinantes.
Lang fouille la société allemande et
s’appuie sur deux mondes qui s’opposent, la police et la pègre, et qui,
pourtant, face à la folie du meurtrier, se rejoignent pour l’éradiquer.
Le visage à la fois quelconque et
fascinant de Peter Lorre, avec sa face ronde et ses yeux globuleux, incarne de
façon inoubliable le terrible meurtrier.
Et, en choisissant un meurtrier quelconque,
qui pourrait être n’importe qui, mais qui subit des pulsions qu’il ne parvient pas
à réfréner, Lang explore son thème de prédilection : celui de la culpabilité,
inhérente à chacun et qui enferme les individus dans leur destin.
Les films américains de Lang fouilleront
encore ce thème de la culpabilité, mais déjà, en montrant ce meurtrier d’enfant, esclave de ses propres instincts, Lang d’une certaine façon, tire un trait sur l’humanité.
On sait par exemple que, aux Etats-Unis, dès Furie, le premier film qu’il fera après avoir émigré, Lang reprendra
ce regard féroce et impitoyable sur la société et sur l’individu.
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