Très
bon film de Fleischer, sans doute son plus réussi. On
est bien loin de L’Etrangleur de Boston
dont le thème est similaire, mais avec un traitement différent et qui est bien plus
quelconque.
Ici
l’ancrage social de l’histoire donne au film un réalisme éprouvant. Le
film fourmille de séquences à la fois dures, réalistes, saisies au plus près
(le procès, l’exécution…), la crudité de certaines scènes (même si l’image
épargne sobrement les femmes mortes – on est loin des gros plans sanguinolents
qui peuplent la moindre série télé) est équilibrée par des ellipses brillantes
(le meurtre de sa femme).
A
cela s’ajoute une interprétation exceptionnelle. Richard Attenborough campe un
meurtrier mythomane, manipulateur, petit - infiniment petit -, raté, à la
limite du grotesque (sa tête ronde et chauve à lunettes, ses douleurs au
dos : il est à la limite de la monstruosité) et John Hurt est exceptionnel
dans ce jeune homme un peu simplet, complètement dépassé, qui ne réagit pas –
ou trop tard –, incapable de reprendre ses esprits.
En
revanche ce n’est pas – de mon point de vue – un réquisitoire contre la peine
de mort. Certes le cas a déclenché le mouvement contre la peine de mort en
Angleterre, mais c’est beaucoup plus un regard social sur les misérables (dans
le sens hugolien), sur ces petites gens, sur les paumés qui sont à la limite de
la société et de la civilisation même (le jeune homme analphabète, qui bat sa
femme), cela au cœur de Londres, au cœur du XXe siècle. Et la
civilisation, l’ordre ou la loi (c’est-à-dire dans le film la police et la justice)
seront bien incapables de stopper Christie.
Plusieurs
séquences sont exceptionnelles. L’exécution, en une minute de plans secs et
durs, foudroie bien plus que les interminables films sur le sujet (par exemple
le très long et très lourd La Ligne verte).
Et, au-delà de l’histoire racontée, le ressenti est très dur : on ressort désespéré du film, avec bien peu d’issues pour en tirer un affect plus positif. Le spectateur, qui ne peut jamais s’identifier à quelque personnage que ce soit, est prisonnier de Fleischer qui ne prend jamais parti : il raconte, scrute, filme de façon hyperréaliste parfois (des gestes quotidiens, les appartements, les tristes meubles…) et coince le spectateur dans son accablement.
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