Important film
de Mike Nichols en ce qu’il est souvent considéré comme un des premiers films
marquant le Nouvel Hollywood. Réalisé en marge des grands compagnies de
production, par un réalisateur trentenaire, avec une certaine autonomie, en
imposant un acteur peu connu et avec un budget relativement faible, Le Lauréat symbolise bien cette prise de
distance, aussi bien du point de vue financier que du point de vue des idées,
de jeunes réalisateurs avec les majors.
Nichols peint le
portrait de deux générations, celle des pères et celle des fils – représentée par
Benjamin Braddock –, qui s’opposent, s’entremêlent, s’affrontent, ne se comprennent pas
vraiment. La génération des pères est présentée comme un carcan étouffant (amusantes
recommandations des amis du père de Benjamin, l’engageant à consacrer son avenir
dans le plastique), duquel cherche à s’extirper Benjamin, tant bien que mal. La façon dont Nichols enferme sans cesse son personnage dans le cadre est très bien faite. Les
tentations de Benjamin face à Mrs Robinson, puis ses péripéties pour séduire Elaine ne sont
donc pas tant une rébellion (comme Nicholas Ray a pu la filmer dans les années
50 par exemple) ou un combat pour un idéal, mais plutôt l’agitation de quelqu’un
qui cherche à se dépêtrer d’une asphyxie. Le portrait de l’Amérique ainsi
brossé est donc assez féroce et désespérant, puisque la nouvelle génération ne
porte pas non plus des espoirs faramineux quant à l’avenir.
En ce sens les
deux séquences qui ouvrent et ferment le film résument à elles seules bien des
choses. La première montre Benjamin, passif, qui se laisse porter sur un
tapis roulant. La métaphore du carcan dans lequel il est engoncé est parfaite.
La dernière séquence montre Elaine et Benjamin, dans le bus, qui s’échappent, et
Nichols a l’intelligence de faire durer ce plan, jusqu’à dissoudre l’image
classique du happy-end, qui se trouve alors déjà remis en cause : la roue de l’habitude
et de l’accoutumance vient bien vite ternir cette belle image. En un dernier
pied de nez, Nichols annonce des lendemains qui ne chantent pas.
Cette dernière séquence est d'une importance capitale : elle annonce complètement le Nouvel Hollywood. Si le film en lui-même est encore largement sous l'influence du cinéma classique américain, ce départ en bus ouvre la porte : l'itinéraire des deux amants, s'il avait du être raconté dans un film, aurait constitué l'esprit même du Nouvel Hollywood, fait d'itinéraires indéterminés, d'errances, de traversées de désert, en se laissant porter au fil des rencontres. D'Easy Rider à Vanishing Point en passant par la Balade sauvage ou Bonnie and Clyde, le cinéma filmera ces errances.
Dustin Hoffman, obtient par ce rôle une reconnaissance internationale et devient un des symboles de cette nouvelle génération d’acteurs bien loin des standards masculins habituels.
Dustin Hoffman, obtient par ce rôle une reconnaissance internationale et devient un des symboles de cette nouvelle génération d’acteurs bien loin des standards masculins habituels.
La bande originale,
enfin, comprend les célèbres chansons de Simon and Garfunkel, dont Mrs Robinson, qui contribuera aussi au
succès du film.
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