Important
western (même s'il est très surcoté), qui marque une étape
décisive de l’évolution du genre. En effet, en faisant s’entre-tuer
des hors-la-loi, des mercenaires et des Mexicains (le film s’ouvre et se
termine par un carnage), Sam Peckinpah dissout dans la violence toute la
richesse du western. Exit les réflexions sur la Frontière, sur la constitution
de communautés ou sur les premières villes de l’Ouest. Exit l’ancien
manichéisme (dépassé depuis longtemps par les westerns des années 50 et 60) et
l’héroïsme : il n’y a ici que des brutes sanguinaires. Exit donc les
complexités des personnages : on se pose peu de questions (si ce n’est
celle, intime, que se pose le spectateur : jusqu’où cette violence
ira-t-elle ?). Mais il n’y a rien d'autre, ici, qu’une violence terrible, déballée
comme une névrose, à la fois comme un point de départ et comme une solution.
Le
film, très influencé par les westerns italiens, en particulier ceux de Sergio Corbucci, célèbres pour leur violence débridée, les dépasse en quelque sorte : ici c’est le western en tant que genre qui semble annihilé par
ces massacres.
Peckinpah
en a bien conscience : tout au long du film les personnages sont des
morts en marche, qu’il s’agisse de la bande de tueurs de Bishop ou de ceux qui les
poursuivent, menés par Thornton. Et les personnages eux-mêmes en ont
conscience, notamment lorsque les quatre de la bande, Pike Bishop en tête, vont
réclamer aux Mexicains leur camarade : ils savent parfaitement que c’est
là le dernier acte, qu’ils ne marcheront plus longtemps, que bientôt les hommes
de l’Ouest ne seront plus. Thornton, désabusé, restera longtemps appuyé contre le
mur : ce massacre final, monumental bain de sang, ne laisse rien survivre
du monde d’avant.
Peckinpah
renforce cette impression en s'appuyant sur deux grandes stars vieillissantes, William Holden et Robert Ryan : ils campent
parfaitement des personnages d’un autre temps, dépassés par la violence qu’ils
ont contribué à déclencher, incapables de faire autrement.
Le film est évidemment célèbre pour plusieurs
séquences de massacre : c’est là l’apothéose du style de Peckinpah, à
propos duquel on parle pompeusement de « stylisation de la violence ».
Peckinpah filme les impacts de sang qui éclatent sur des corps qui se tordent sur eux-mêmes. Il est bien difficile aujourd’hui de
regarder ces images en se replaçant dans un contexte innovant : cette
manière de filmer la violence est devenue un des grands poncifs des films
d’action. Ici Peckinpah innove, invente et, dans le même temps, parvient à l’outrance :
la séquence finale est un déluge de feu et de sang, qui se déclenche sur un jeu
de regards (le massacre aurait pu – aurait dû – ne pas avoir lieu) et qui n’épargne
personne.
Deke Thornton (Robert Ryan) lucide et désabusé |
On voit bien à quelle outrance aboutit la
disparition du code Hays et le prétexte de styliser la violence : c’est un
déluge de sang qui est capté par la caméra. Dans ce sens La Horde sauvage ouvre une nouvelle voie dans le cinéma d’action :
celle des déferlements de violence et des barbouillages de sang. Cette voie –
outrancière et qui a bien du mal à parvenir quelque part – sera malheureusement
empruntée par de nombreux réalisateurs.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire