D’un
scénario simple et droit comme une route américaine, Sarafian fait un film
mythique et qui est même un manifeste, presque malgré lui, de la génération
contestataire des années 70 aux Etats-Unis.
Kowalski,
ancien pilote de courses, traverse l’Ouest américain, shooté à la marijuana, un
peu pour gagner un pari (rallier Denver à San Francisco en moins de quinze
heures) et surtout sans raison. Le film est une longue course-poursuite avec la
police, état après état, et l’avancée de Kowalski est commentée au fur et à
mesure par un animateur radio, Super Soul, noir et aveugle, qui prend fait et
cause pour lui, pirate les radios de la police et élève son parcours au rang de
geste contestataire.
Point limite
zéro
(1) brasse une multitude de symboles américains. Il met en scène le nouveau
rider (lointain héritier du lonesome
cow-boy), rebelle et résistant, qui trace la route, coupe à travers le désert,
qui est aidé par ceux qu’il rencontre (ici une femme nue sur sa moto, là un
vieil homme) et qui continue, coûte que coûte, imperturbable. La Dodge Challenger
R/T de Kowalski, en associant la vitesse et la liberté, se trouve panthéonisée et la fin, tragique et inévitable, n’est pas questionnée.
L'imperturbable Kowalski (Barry Newman) |
Sarafian
introduit ainsi un regard sur le rôle des médias qui mettent progressivement en
pleine lumière le raid de Kowalski. Aussi vite que puisse aller sa Dodge lancée
à pleine vitesse sur les routes du Navada, elle sera toujours dépassée par
l’emballement hystérique provoqué par les médias. La représentation par les
médias de Kowalski – qui devient symbole de résistance, de liberté et
d’héroïsme – dépasse la réalité, en particulier au travers de la fin tragique et
instantanée (la rencontre de la Dodge et des bulldozers qui lui barrent la
route) : les médias, à l’époque, ne véhiculent pas d’images, ce qui laisse
à chacun des auditeurs la liberté de se construire leur image du héros qui
vient de braver les autorités. La cécité de l’animateur Super Soul prend alors
tout son sens.
Super Soul (Cleavon Little) |
Ce
film sur la marginalité, qui est construit comme une mèche allumée qui se
consume jusqu’à l’explosion, est alors à la fois une métaphore d’une vie
dépourvue de sens profond et l’expression d’une soif de liberté d’une
génération marquée (et souvent sacrifiée) par le Vietnam.
Sarafian
montre, quand bien même son film n’est pas exempt de défauts (certaines cassures dans le rythme en particulier), sa capacité à tirer, de peu de matière (un paysage, une
voiture, un acteur au jeu minimaliste) et de peu d’histoire, un très bon film,
très ancré dans une époque et qui associe bien des tensions de la
société américaine des années 70.
Et le film est un concentré de ce qui fait le cinéma des années 70 : l'action d'un homme seul, une humeur désespérée et, en même temps, un bouillonnement d'énergie.
Et le film est un concentré de ce qui fait le cinéma des années 70 : l'action d'un homme seul, une humeur désespérée et, en même temps, un bouillonnement d'énergie.
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(1) : Le titre original est très parlant, Vanishing
point signifiant « point de fuite », c’est-à-dire là où les
lignes de fuite d’une image tendent vers l’infini. Là où file à pleine vitesse la Dodge de Kowalski…
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