Chef-d’œuvre de Y. Ozu, Le Gout du
saké montre un père et sa fille qui doivent affronter leur
destin : elle doit se marier et laisser son père seul.
Ce thème, déjà traité dans plusieurs
films d’Ozu, est abordé avec toujours une tranquillité un
petit peu triste et résignée, mais aussi avec un regard sur la vie plein de poésie. Du formalisme extrême d’Ozu – avec ses
éternels plans au ras du sol, sa caméra infiniment immobile (qui
montre, si besoin était, l’abus délirant des mouvements de caméra dans les
standards actuels) – émerge comme par magie une poésie lente et douce. Le génie
d’Ozu est de parvenir à des sentiments si puissants et universels avec son style
simple et sans concession.
C’est ainsi que, progressivement,
avec beaucoup de sagesse, le père veuf comprend que le bonheur de sa fille
passe avant tout. Quitte, bien sûr, à devoir renoncer à elle (il restera seul
pour ses vieux jours). Mais son bonheur ne saurait être sans le bonheur de sa
fille.
Ce dernier film du maître japonais,
bien illustré par son acteur emblématique Chishu Ryu, vieillissant lui aussi, aborde
alors la triste solitude de la vieillesse. Les choses sont ce qu’elles sont, nous dit
Ozu (on ne peut rien changer à l’ordre des choses), et la
vieillesse doit se vivre seul. Dès lors, que la fille se marie (et que, dans
ce sens, elle vive enfin sa vie), c’est aussi permettre au père de vieillir sereinement.
Il restera au vieux père le plaisir
solitaire de se souvenir des choses. On retrouve un écho sublime à cette idée mélancolique,
dans le « Happy thoughts ! »
que lance en guise d’adieu Nickie Ferrante (Cary Grant), dans Elle et lui, à sa grand-mère restée
seule dans son petit paradis.
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