Très grand film de Joseph L. Mankiewicz, qui explore
plus encore que dans d’autres films sa narration à plusieurs voix, à grands
coups de flash-backs et de flash-back dans le flash-back. Le film débute ainsi
sur l’enterrement de Maria, avec Harry Dawes (Bogart), en imper sous la pluie,
qui commence le récit de cette histoire de Cendrillon moderne. Et ce ne
sont pas moins de quatre narrateurs (dont Maria elle-même) qui prendront
successivement la parole pour raconter ce qui est d’emblée montré comme une
tragédie.
Mankiewicz brosse le portrait de trois sociétés – le monde du cinéma, la haute société argentée et une aristocratie
moribonde – tout à la fois différentes et semblables dans leur désespoir. Et Maria
passe ainsi de l’une à l’autre toujours en quête. Avec l’évocation d’Hollywood
la mise en abyme est patente (et Bogart est alors un double du réalisateur/scénariste).
Mankiewicz fait parler ses
personnages jusqu’à plus soif, abordant mille thèmes, mais dessinant un destin
inéluctable et tragique à la belle Maria, qui, pourtant, après bien des désillusions, croyait avoir trouvé son prince charmant, comme une petite fille exaucée.
Bien entouré par de très bons
seconds rôles, Bogart continue de construire son mythe, avec cet élan cassé,
cette pose un peu voûtée et cette voix si particulière et désabusée. Mais les
regards se tournent davantage encore vers Ava Gardner, une nouvelle fois cœur battant
du film (de même que dans Pandora ou La Croisée des destins) et qui donne une
féerie envoûtante au film. On comprend que Mankiewicz, sentant combien elle
irradie l’image, la filme toujours plus belle et plus tragique.
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