Bon film noir de G. Cukor qui bénéficie en Charles Boyer d’un interprète parfait pour construire le
personnage de Gregory, délicieux de sadisme, qui tente de faire sombrer sa
femme Paula dans la folie. Si la partition d’Ingrid Bergman est à saluer (elle
enrichit ici sa palette en jouant ce rôle d’une femme qui perd la tête, peu
gratifiant de prime abord pour une superstar hollywoodienne), c’est bien plus
Charles Boyer le pivot du film.
Si l’issue du
film ne fait guère de doute (on se doute bien, Hollywood oblige, que le bon
inspecteur Cameron (Joseph Cotten), qui tourne autour de la maison du couple,
va bien finir par comprendre ce qui s’y trame), cela ne gêne en rien la progression
de la tension. Il faut dire que l’ambiance victorienne est très réussie : depuis
les intérieurs typiques, très riches et raffinés, jusqu’aux extérieurs où les
personnages longent de hautes grilles pour mieux se perdre dans le brouillard
(on pardonnera le malheureux décor de l’épisode du lac de Côme qui fait par
trop carton-pâte). La photographie et les jeux d’ombre et de lumière (avec,
évidemment, cette intensité lumineuse des becs de gaz qui diminue
mystérieusement) sont parfaits.
L’angoisse qui étreint Paula fait penser à Rebecca et cette
ambiance victorienne à souhait fait écho au Suspect
de Siodmak. Hantise et Le Suspect sont d’ailleurs très intéressants
à comparer : dans un univers cinématographique assez proche, le premier propose
un personnage principal épouvantable qui oppresse sa femme, quand, dans le
second c’est au contraire un homme bon et affable qui ne sait comment se
dépêtrer de sa femme, mégère et acariâtre. Le spectateur détestera (avec
délectation) le terrible Gregory, alors qu’il accompagnera dans sa détresse l'affable monsieur Marshall.
On tient là deux films d’époque remarquables.
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