Très intéressant western de William Wellman, qui ne cherche pas à
être spectaculaire ou attrayant, mais qui interroge le thème de la justice. Il s’agit même, très précisément, au-delà d'une approche de la justice expéditive, d'une dénonciation de l'erreur
judiciaire.
Reprenant le thème du lynchage populaire (déjà traité par exemple
par Fritz Lang dans Furie), Wellman
restreint le sujet et le creuse davantage encore.
Il livre un film sans véritable héros. En effet, Gil, joué
avec beaucoup de finesse par Henry Fonda, s'il peut servir de relais au spectateur
dans le film, reste finalement bien passif et ne se dresse pas plus que ça
contre la horde vengeresse. De même pour Davies, qui, s’il cherche à gagner du temps
et veut faire douter ceux qui ne demandent qu’à lyncher les suspects, n'obtient
rien de plus qu'un vote. Vote inutile : la décision se faisant à la majorité,
les sept qui doutent de la culpabilité de Martin ne changeront pas la donne.
On peut mesurer ici l'écart qui existe entre cette justice
expéditive qui se satisfait d'une majorité (on en retrouve trace dans Le Passage du canyon de Jaques Tourneur) et
la justice actuelle, qui demande une unanimité du jury pour condamner à mort. C’est
cette unanimité qui est le ressort de 12 hommes en colère de Sidney Lumet : avec un tel système, Martin et ses deux
compagnons auraient été acquittés largement. Un autre aspect relie le film de
Wellman et celui de Lumet : ici il fait nuit et les hommes veulent finir vite
leur besogne parce qu'ils ont froid, quand, chez Lumet, à l'opposé, certains jurés
veulent en finir rapidement pour sortir de cette pièce où l'on étouffe. Mais,
dans ces deux films, l'attitude des jurés est le vrai point faible de la
justice : chez Lumet l’accusé s’en sortira car le juré N°8 (Henry Fonda encore)
convainc les jurés tour à tour, à force de doute. Chez Wellman la charge est
beaucoup plus violente. C'est que rien n’arrêtera les vengeurs et ils pendront
les trois bougres, dont Martin qui, dans une lettre sublime et essentielle, prend
une dimension christique.
En effet, les mots de Martin, innocent exécuté, enjoignent
son épouse à pardonner à ces hommes qui, en le pendant alors qu'il n'a rien
fait, « ne savent pas ce qu'ils font » et à prendre pitié d'eux car
ils devront désormais vivre avec cette mort sur leur conscience. La lecture de
cette lettre est le fruit d'un beau travail de mise en scène de la part de
Wellman (on ne voit pas les yeux de Gil qui la lit, mais uniquement sa bouche)
et, scénaristiquement, justifie le sujet du film : la justice est nécessaire
pour épargner les innocents mais elle n’est possible que parce que les hommes
ont une conscience.
On remarquera, au-delà de cette très belle séquence finale, les jeux de mise en scène magnifiques qui viennent marquer la narration : ici les ombres des trois cordes, là le mexicain qui se confesse, ici encore un plan aérien sur les trois futurs condamnés qui dorment.
On remarquera, au-delà de cette très belle séquence finale, les jeux de mise en scène magnifiques qui viennent marquer la narration : ici les ombres des trois cordes, là le mexicain qui se confesse, ici encore un plan aérien sur les trois futurs condamnés qui dorment.
Il est tout à fait évident que ce film, réalisé en pleine
guerre mondiale, qui n'a aucune ambition d'être divertissant ou spectaculaire,
qui est même extrêmement sombre et statique (les deux tiers du film se situent sur le
même lieu, ce qui est rare pour un western), n'avait aucune chance d'être une
réussite commerciale. Il n'en reste pas moins qu'il est une réflexion très dure
et très pertinente sur la justice, filmée de façon sobre, âpre, mais efficace
et intelligente.
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