lundi 5 juin 2017

Le Havre (A. Kaurismäki, 2011)




Très beau film d’Aki Kaurismäki, qui filme avec douceur et humilité la ville du Havre et la petite vie de quartier qui s’y déploie. On y suit Marcel, clochard bohème qui a choisi cette vie pour être proche des gens, autour de quelques commerces, le bistrot du coin et sa maison avec la petite barrière de bois. On pense à Tati et la vie de quartier de M. Hulot dans Mon oncle. Même charme, même refus de la modernité (qui prend ici un relent nostalgique et doux au travers de plein d’anachronismes), même éloge de la vie simple et attentionnée à autrui. On pense aussi au charme naïf des films de Pierre Etaix, que l’on croise dans un petit rôle. Le film se permet même une grâce divine, avec la guérison miraculeuse de Arletty et une fin très belle, sur un cerisier en fleur.

Il faut rendre hommage à Kaurismäki d’être parvenu à tirer une lumière et un charme de la ville géométrique et grise du Havre, de ses immeubles de béton et de la froideur humide qui la revêt le plus souvent.

Le propos du film – la réaction individuelle face à la présence d'un clandestin – n’est pas abordé sous un angle politique (on entrevoit cette réalité politique aux travers des informations télévisées), mais sous l’angle individuel de la charité chrétienne. C’est sur ce plan que le personnage de Marcel est à la fois fort et touchant : sans une question, sans une hésitation, avec l’évidence de la foi (et avec la simplicité et l’humilité qui lui sont rattachées), il aide le petit clandestin, ment à la police, prend des risques, donne tout son argent et bien plus encore. D’ailleurs Dieu lui rendra ce dévouement.
On comparera la légèreté du traitement du sujet avec la lourdeur d’un film comme Welcome qui aborde le même thème. Chez Kaurismäki il est question de charité chrétienne alors que le sujet prend un tour politique (ce qui est un dévoiement de la charité qui ne peut être davantage qu’une vertu individuelle) chez Lioret. Pas seulement dans ce qui est raconté (dans les deux films, un citoyen aide un clandestin), mais dans le ton employé pour le faire : ici avec légèreté et poésie, là avec une pesanteur militante et caricaturale. Welcome se veut porteur d’un message politique, avec les gros sabots des grandes questions existentielles, le tout enveloppé dans un émotionnel destiné à convaincre.
Kaurismäki, sans doute, donne au film sa juste place : il est question de l’action individuelle et non pas de celle du jugement sur l’action individuelle. Nulle morale ne vient entacher le film. Kaurismäki a, ici, l’humilité et la simplicité de Marcel.


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