Très intéressant film de Christopher Nolan, qui surprend par
l’approche qu’il choisit dans ce film de guerre relatant le sauvetage
miraculeux de l’armée britannique, coincée à Dunkerque en septembre 1940.
C’est qu’il s’agit d’un véritable miracle, fait de guerre
dont même les états-majors n’osaient rêver : l’objectif était de sauver 30
ou 40 000 hommes, c’est plus de 300 000 qui seront rapatriés.
Nolan rend compte de ce miracle en montrant combien la
compréhension de ce qui s’est passé a pu échapper aux différents protagonistes,
qu’il s’agisse des simples soldats coincés sur les plages ou des Anglais venant les aider, soldats
aviateurs ou simples citoyens en bateau, ou encore des têtes pensantes de l’amirauté
(représentées ici par le commandant Bolton, qui n’est pas un personnage historique). Nolan construit
son film autour de trois groupes de trois personnages, qui sont autant de
réactions au cœur de la guerre : la volonté de survie du soldat en
perdition, le courage du soldat qui va au combat, la force morale des citoyens
qui viennent à la rescousse, parce que tel est leur devoir.
Ces soldats qui cherchent à s’échapper, ces aviateurs qui
viennent combattre et ces simples citoyens anglais, réquisitionnés en désespoir de cause, constituent autant de trajectoires que Nolan découpe et entrecroise. Il
joue – comme il aime le faire (on l’a vu par exemple dans Memento ou Inception) –
avec une construction emboîtée complexe et qui ne prend forme que
progressivement. Le personnage joué par Cillian Murphy, un des acteurs fétiches
de Nolan, est sur ce point révélateur : on le voit longtemps prostré dans un
bateau, tremblant de peur, détruit par la guerre et on ne découvre que beaucoup
plus tard qu’il était encore, la nuit d’avant, un officier calme, expérimenté,
décisif, dirigeant une chaloupe remplie de naufragés. De même les aviateurs
survolent un bateau que l’on ne verra partir de la plage que beaucoup plus tard
et l’un des aviateurs, en perdition, ne sera secouru que bien après. Ces
destins entrecroisés, tragiques – dans chaque groupe d’hommes la mort prend sa
part – dessinent une toile géométrique (avec les files des soldats qui
attendent, les traînées des avions, le filet des torpilles, etc.) et abstraite
tant, de cet entremêlât, ne nait pas de direction commune et manifeste.
C’est là sans doute la substance de ce miracle, advenu on ne
sait comment, dépassant les prévisions les plus optimistes, contre le cours de
la guerre, contre l’évidence et la logique.
Le film souffre cependant d'un problème d'échelle : on comprend mal, à voir les quelques bateaux venant d'Angleterre, à voir les trois Spitfire qui viennent au combat (quand il y eut des milliers de raids pour couvrir les plages) et à voir les quelques files de soldats qui attendent sur la plage, que plusieurs centaines de milliers d'hommes ont été sauvés dans cette opération. Alors certes Nolan joue de l'abstraction et prend de biais le problème en jouant avec des symboles, mais, tout de même, à l'image, le rendu interpelle.
On regrette aussi une certaine froideur de l’image, qui naît de la perfection numérique : à croire que la chaleur qui enveloppait le cinéma a aujourd’hui disparu, enterrée par le rendu exceptionnel du moindre grain de poussière ou de la moindre imperfection d’un costume. Peut-être que, pour un film du passé, sur cette période filmée sur le vif et déjà racontée dans mille autres films, ce rendu ultra-réaliste ne convient pas et donne un je-ne-sais quoi d’artificiel et distant. Et cette perfection réaliste de la photo fait attendre, du point de vue du spectateur, une perfection dans la reconstitution, ce qui, malheureusement n'est pas le cas (ni ici ni dans aucun film, même les plus attachés à être réalistes). Signalons, par exemple, concernant les attaques en avion, la jauge de l'avion de Farrier inexplicablement détruite (par une balle ? Pourtant son cockpit n'a pas de trace d'impact) ; ou encore l’altitude, beaucoup trop faible, à laquelle les Spitfire traversent la Manche, ou la dernière attaque sur un Stuka avec un avion quasiment en vol plané, etc.
On regrette aussi une certaine froideur de l’image, qui naît de la perfection numérique : à croire que la chaleur qui enveloppait le cinéma a aujourd’hui disparu, enterrée par le rendu exceptionnel du moindre grain de poussière ou de la moindre imperfection d’un costume. Peut-être que, pour un film du passé, sur cette période filmée sur le vif et déjà racontée dans mille autres films, ce rendu ultra-réaliste ne convient pas et donne un je-ne-sais quoi d’artificiel et distant. Et cette perfection réaliste de la photo fait attendre, du point de vue du spectateur, une perfection dans la reconstitution, ce qui, malheureusement n'est pas le cas (ni ici ni dans aucun film, même les plus attachés à être réalistes). Signalons, par exemple, concernant les attaques en avion, la jauge de l'avion de Farrier inexplicablement détruite (par une balle ? Pourtant son cockpit n'a pas de trace d'impact) ; ou encore l’altitude, beaucoup trop faible, à laquelle les Spitfire traversent la Manche, ou la dernière attaque sur un Stuka avec un avion quasiment en vol plané, etc.
Si Nolan, grand spécialiste de
films d’action a pu pécher par le passé en cherchant à philosopher
au-dessus de son niveau (dans Interstellar
notamment), il n'en reste pas moins qu'il trouve ici une expression de la guerre à la fois très intéressante et virtuose, qui dépasse la simple scène d’action, qui se dispense de longs
dialogues et qui exprime parfaitement son point de vue sur cet événement précis
– à la fois singulier et décisif – de la seconde guerre mondiale.
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