Avec La Porte du diable, Anthony Mann frappe très fort : il s'agit de l'un des premiers films à prendre le parti
des Indiens et à dénoncer les injustices qu’ils ont subies. Jusqu’alors la
vision hollywoodienne classique considérait à peine les Indiens, surtout
montrés comme des sauvages hurlants et agressifs dévalant les collines au galop
pour attaquer les diligences (1). En 1950, en même temps que La Flèche brisée de D. Daves (et après une première pierre posée
par J. Ford dans Le Massacre de Fort Apache), La Porte du diable s’intéresse
aux Indiens, les met en avant, s’attarde sur des personnages forts (Lance Poole
ici, Cochise dans le film de Daves) et dénonce le comportement des Blancs à
leur endroit.
La force du film
est d’adopter le point de vue de l’Indien (et non de l’homme blanc, comme dans La Flèche brisée) et de montrer que l’injustice
subie par les Indiens, si elle prend sa source dans le racisme anti-Indien,
est relayée par la loi elle-même : c’est en s’appuyant sur les lois que
les éleveurs entendent prendre possession des terres occupées depuis toujours
par les Indiens Shoshone. Cette injustice des lois elles-mêmes s’exprime au travers
des hésitations du sheriff, vieil ami du père de Lance Poole, mais qui doit
faire respecter une loi qu’il ne cautionne pas. De la même façon la loi l’oblige
à mettre un écriteau qui exclut de servir les Indiens dans le saloon.
Le choc est
alors terrible pour Lance Poole (impeccable Robert Taylor, dans un registre inattendu) qui revenait auréolé de ses faits d’armes de la
Guerre de Sécession avec de l’espoir au cœur : il est persuadé que ceux
qui se sont battus contre l’esclavage sauront le considérer, lui qui a versé
son sang pour leur cause. Mais le racisme anti-Indiens est beaucoup trop ancré,
dans les esprits et jusqu’au cœur des textes de loi. En 1950, les Noirs
américains devaient nourrir le même regard sur leur pays en revenant de la
Seconde Guerre où ils sont allés combattre le terrible racisme nazi. Et, tout
du moins dans les états du Sud, la société a continué d’être violemment
ségrégationniste. Le ressentiment de Lance Poole face à l’injustice évoque donc
une injustice similaire contemporaine du film.
Mann parvient à
éviter tout manichéisme en montrant que Lance Poole, par une certaine fierté
arrogante, ne cherche pas à apaiser la situation, de même que le sheriff, on
l’a dit, est pris dans la tenaille dans un choix complexe. Il enrichit également le
film d'une vision supplémentaire très progressiste en donnant à une femme le rôle de
l’avocat de la cause perdue.
Le désespoir des Indiens, leur déracinement, le vol de leur terre, la violence inique qu’ils subissent emplissent ce film sombre qui prépare le terrain aux westerns révisionnistes des années 70.
Le désespoir des Indiens, leur déracinement, le vol de leur terre, la violence inique qu’ils subissent emplissent ce film sombre qui prépare le terrain aux westerns révisionnistes des années 70.
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