mercredi 21 février 2018

Flandres (B. Dumont, 2006)




Très bon film de Bruno Dumont qui parvient à exprimer à partir de personnages qui restent rustiques et silencieux le bouillonnement interne qui les agite.
Le film est découpé en deux périodes, l’une est une lente exposition rurale et boueuse, toute en silence, dans le Nord agricole et délaissé ; l’autre est une déflagration violente sur un champ de bataille.



Barbe et les garçons qui lui tournent autour – Demester et Blondel – sont frustes, éteints, apathiques, étrangement absents. Mais, derrière ces relations d’amour qui n’en sont pas, des sentiments plus complexes, manquant de franchise et de maturité, sont tus. Quand Demester et Blondel doivent partir, ils emmènent avec eux ce silence, ces choses qui les animent intérieurement. Et la guerre fait surgir une violence sans retenue. Le film évoque alors Voyage au bout de l’enfer, où  là aussi la guerre fait violemment irruption dans un groupe d’individus, issus du même quotidien. La séquence des soldats décimés par des enfants snipers évoque quant à elle Full Metal Jacket.
Dumont relie ici la violence épouvantable (Demester ira jusqu’à abandonner Blondel blessé) avec les visions de Barbe, hospitalisée et cathartique. Barbe qui expérimente la solitude et l’absence, alors qu’elle s’offrait sans âme aux garçons autour d’elle. Sombrant à demi dans la folie, elle semble sauvée par cette extra-lucidité que le récit lui donne.
La guerre n’est ni une solution, ni un exutoire, ni un horizon, ni une alternative au quotidien froid et sans âme. Demester suit un parcours très dur avec d’abord les relations vides d’émotions apparentes – où l’amour est fait machinalement et sans plaisir –, puis la succession d’horreurs de la guerre, pour revenir dans l’horizon bouché du départ, avec l’esprit empli des horreurs vécues, de l’abandon de Blondel et des coups du sort de l’abandon de Barbe. C’est là seulement qu’il parvient à s’exprimer (« Je t’aime Barbe »). Mais il pleure face contre terre, comme il faisait l’amour à Barbe au début du film.




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