jeudi 15 mars 2018

La Forme de l'eau (The Shape of Water de G. del Toro, 2017)





Bien que couvert d’éloges et de récompenses (Lion d’or à Venise, plusieurs Oscars), La Forme de l’eau est un film bien décevant et Guillermo del Toro semble montrer ses limites.
Comme il se doit on y retrouve les motifs habituels du réalisateur : l’ambiance surannée et désuète (mais exagérée ici plus encore qu’auparavant, jusqu’à retrouver un peu l’ambiance teintée et sépia de Delicatessen – en moins glauque – de J.- P. Jeunet), le thème du monstre, le tout construisant une atmosphère fantastique et merveilleuse, annoncée dès les premiers plans et la voix off.

Ce prétexte du merveilleux pour une histoire simple et sans surprise (le film est partagé entre gentils très gentils et méchants très méchants, dont on sait très vite qui l’emportera et qui sera châtié) devient vite lassant puisque, malheureusement – et c’est là que le bât blesse réellement –, del Toro a réalisé en vérité un film à messages : La Forme de l’eau devient vite un catalogue d'idées politiquement correctes et bien-pensantes.
On y trouve en héros une handicapée, une noire et un homosexuel, en victime un monstre incompris et en méchant un mâle dominant hétéro très macho. L’Amérique (et son pendant l’URSS, puisque le film joue sur la rivalité entre les deux nations en pleine guerre froide) est décriée tant et plus (depuis les familles bien comme il faut, jusqu’à la voiture comme signe extérieur de réussite et de puissance, en passant par les dénonciations du racisme ordinaire, etc.). Le film, alors, en cochant toutes les cases du politiquement correct, devient vite fatigant et même ennuyeux. Et tout l’univers un peu merveilleux que tente de construire del Toro se noie (c’est le terme, dans ce film où l’eau est centrale) sous une leçon de morale emplie de poncifs, gnangnans et sirupeux.

Les références au cinéma sont nombreuses, avec évidemment la bestiole elle-même, tout droit issue de L’Étrange Créature du lac noir de J. Arnold, mais qui évoque aussi Abraham Sapien dans le Hellboy de del Toro.


Les comédies musicales sont aussi omniprésentes, avec en particulier une reprise de En suivant la flotte de M. Sandrich, lorsque Elisa et la bestiole dansent comme le faisaient Ginger Rodgers et Fred Astaire.


On s’aperçoit alors que si Guillermo del Toro se plaît, film après film, à travailler les mêmes motifs, il s’agit de motifs purement esthétiques – des marottes pourrait-on dire – mais que, hormis cet emballage, il n’a à peu près rien à dire au spectateur et que toute velléité poétique ou merveilleuse tourne à vide. On a de plus en plus l’impression que le très réussi Labyrinthe de Pan est une exception où del Toro parvenait à toucher le spectateur. Rien de tout cela dans ses autres films (hormis peut-être aussi Hellboy où la patte du réalisateur est intéressante) : del Toro se complaît à brasser les mêmes motifs sans jamais apporter une réflexion ou un regard original.

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