Bien que couvert d’éloges et de récompenses (Lion d’or à
Venise, plusieurs Oscars), La Forme de l’eau
est un film bien décevant et Guillermo del Toro semble montrer ses limites.
Comme il se doit on y retrouve les motifs habituels du réalisateur : l’ambiance surannée
et désuète (mais exagérée ici plus encore qu’auparavant, jusqu’à retrouver un peu
l’ambiance teintée et sépia de Delicatessen
– en moins glauque – de J.- P. Jeunet), le thème du monstre, le tout
construisant une atmosphère fantastique et merveilleuse, annoncée dès les premiers
plans et la voix off.
Ce prétexte du merveilleux pour une histoire simple et sans
surprise (le film est partagé entre gentils très gentils et méchants très
méchants, dont on sait très vite qui l’emportera et qui sera châtié) devient
vite lassant puisque, malheureusement – et c’est là que le bât blesse
réellement –, del Toro a réalisé en vérité un film à messages : La Forme de l’eau devient vite un catalogue
d'idées politiquement correctes et bien-pensantes.
On y trouve en héros une handicapée, une noire et un
homosexuel, en victime un monstre incompris et en méchant un mâle dominant
hétéro très macho. L’Amérique (et son pendant l’URSS, puisque le film joue sur
la rivalité entre les deux nations en pleine guerre froide) est décriée tant et
plus (depuis les familles bien comme il faut, jusqu’à la voiture comme signe
extérieur de réussite et de puissance, en passant par les dénonciations du
racisme ordinaire, etc.). Le film, alors, en cochant toutes les cases du
politiquement correct, devient vite fatigant et même ennuyeux. Et tout l’univers
un peu merveilleux que tente de construire del Toro se noie (c’est le terme,
dans ce film où l’eau est centrale) sous une leçon de morale emplie de poncifs,
gnangnans et sirupeux.
Les références au cinéma sont nombreuses, avec évidemment la
bestiole elle-même, tout droit issue de L’Étrange
Créature du lac noir de J. Arnold, mais qui évoque aussi Abraham Sapien dans
le Hellboy de del Toro.
Les comédies musicales sont aussi omniprésentes, avec en
particulier une reprise de En suivant la flotte
de M. Sandrich, lorsque Elisa et la bestiole dansent comme le faisaient Ginger
Rodgers et Fred Astaire.
On s’aperçoit alors que si Guillermo del Toro se plaît, film
après film, à travailler les mêmes motifs, il s’agit de motifs purement esthétiques
– des marottes pourrait-on dire – mais que, hormis cet emballage, il n’a à peu
près rien à dire au spectateur et que toute velléité poétique ou merveilleuse
tourne à vide. On a de plus en plus l’impression que le très réussi Labyrinthe de Pan est une
exception où del Toro parvenait à toucher le spectateur. Rien de tout cela dans ses autres films (hormis peut-être
aussi Hellboy où la patte du réalisateur
est intéressante) : del Toro se complaît à brasser les mêmes motifs sans jamais
apporter une réflexion ou un regard original.
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