Dans ce qui est
sans doute son chef-d’œuvre, Marcel L’Herbier a su équilibrer son esthétique,
certes inventive mais parfois trop extravagante ou délirante, pour la mettre au
service d’une intrigue solide. S’inspirant du roman de Zola qu’il transpose
dans la bourse de la fin des années 20, il brosse le portrait de Saccard (très
bon Pierre Alcover), financier sans scrupule, qui rebondit d’une première
faillite en flairant le bon coup avec l’aventurier Jacques Hamelin en mal de
financement.
Doté d’énormes
moyens – ce qui le contraint d’accepter un certain cahier des charges de la
production – L’Herbier construit un film ambitieux et montre sa virtuosité
technique : sa caméra très mobile, bouge, accélère, ralentit, fonce sur un
visage ou tourne sur elle-même ; l’image est tantôt floue, tantôt avec des
surimpressions ; les angles de vue sont outrés, jusqu’à être
verticaux ; le montage accélère, subit des cuts brusques, et rapproche,
dans des parallèles bien vus, des scènes qui deviennent métaphoriques. Au
centre de toute cette attention, la Bourse, avec sa frénésie, sa
superficialité, ses clameurs de foule, les moments où elle se fige, et les
moments où elle s’affole à nouveau.
Et, au centre de
la bourse, Saccard, tout à ses tractations et ses magouilles, qui laisse croire
que l’aviateur Hamelin est mort pour mieux berner les actionnaires, qui fait du
chantage sexuel à la femme d’Hamelin quand celui-ci est parti à l’autre bout du
monde, qui donne des réceptions dans un univers Art déco flamboyant, qui
rebondit sans cesse, esclave de cet argent qu’il convoite et avec lequel il
joue, gagne et perd.
C’est Saccard
qui intéresse L’Herbier (et non, par exemple, les époux Hamelin, qui auraient
été au centre d’un drame à la Borzage) et il n’hésite pas à montrer une
fragilité qui pourrait le rendre sympathique ou touchant, quitte, un instant
plus tard, à le peindre à nouveau en monstre sans scrupule. On sent, dans cette esthétique frénétique et visionnaire et dans ce personnage remarquablement
moderne, tout l’entrain de Marcel L’Herbier qui réalise un magistral film muet.
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