jeudi 14 juin 2018

Le Professeur (La prima notte di quiete de V. Zurlini, 1972)




Film sombre – mais réussi – de Valerio Zurlini (1), où Alain Delon interprète Daniele, un professeur remplaçant qui est une personne brisée, comme vidée de souffle vital. Engoncé dans son imper, les cheveux longs, mal rasé, Daniele erre dans la vie comme il erre sur les quais brumeux de cette Rimini hivernale.
Le cœur de l’histoire est la relation étrange, distendue, bancale que noue Daniele avec sa femme Monica (touchante Lea Massari). Le couple agonise mais le mari et la femme – malgré les amants et les humiliations – restent ensemble « par désespoir plus que par habitude », comme le dit Monica. Une des finesses du film est de traiter ce couple usé en arrière-plan, sans jamais le mettre en exergue, alors que Monica est une des dernières raisons de vivre de Daniele.
Si Daniele est attiré par Vanina, l'une de ses élèves, c’est qu’il sent en elle le même désespoir qui la mine. Et leur relation qui semble passionnée n’est en fait rien d’autre qu’une consolation réciproque, pour quelques instants. C'est que Vanina et Daniele ont des blessures trop profondes.
Zurlini accompagne parfaitement l’errance de son personnage, qui côtoie les riches oisifs de la ville (avec Orlando, amant violent de Vanina, au volant de sa Miura), dans une espèce de dolce vita triste et désenchantée, depuis les soirées privées dépravées jusqu’aux boîtes de nuit en passant par les parties de poker. La vie lente, vaine, viciée même, de cet hiver engoncé dans la brume est parfaitement saisie par Zurlini, dans un rythme lent, comme un espoir qui s’éteint progressivement.
Delon (investi bien au-delà d’un simple rôle dans le film puisqu’il l’a coproduit) capte parfaitement l’infinie mélancolie du personnage, avec ce regard éteint et cette impression de vide qui ne le quitte pas. Comme si Daniele, bien que physiquement présent, était déjà ailleurs. Comme si Daniele, dès les premiers plans, portait déjà en lui cette inéluctable fin tragique.






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(1) : Le titre original – La Prima notte di quiete, beaucoup plus mélancolique et profond que le titre français – fait référence à un vers de Goethe (que cite Daniele dans le film) à propos de la mort, qui est la première nuit de repos, parce qu’elle est sans rêve.

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