Film sombre –
mais réussi – de Valerio Zurlini (1), où Alain Delon interprète Daniele, un
professeur remplaçant qui est une personne brisée, comme vidée de souffle
vital. Engoncé dans son imper, les cheveux longs, mal rasé, Daniele erre dans
la vie comme il erre sur les quais brumeux de cette Rimini hivernale.
Le cœur de
l’histoire est la relation étrange, distendue, bancale que noue Daniele avec sa
femme Monica (touchante Lea Massari). Le couple agonise mais le mari et la
femme – malgré les amants et les humiliations – restent ensemble « par désespoir plus que par
habitude », comme le dit Monica. Une des finesses du film est de
traiter ce couple usé en arrière-plan, sans jamais le mettre en exergue, alors que
Monica est une des dernières raisons de vivre de Daniele.
Si Daniele est attiré par Vanina, l'une de ses élèves, c’est qu’il sent en elle le même
désespoir qui la mine. Et leur relation qui semble passionnée n’est en fait
rien d’autre qu’une consolation réciproque, pour quelques instants. C'est que Vanina
et Daniele ont des blessures trop profondes.
Zurlini
accompagne parfaitement l’errance de son personnage, qui côtoie les riches
oisifs de la ville (avec Orlando, amant violent de Vanina, au volant de sa
Miura), dans une espèce de dolce vita triste et désenchantée, depuis les
soirées privées dépravées jusqu’aux boîtes de nuit en passant par les parties
de poker. La vie lente, vaine, viciée même, de cet hiver engoncé dans la brume
est parfaitement saisie par Zurlini, dans un rythme lent, comme un espoir qui
s’éteint progressivement.
Delon (investi
bien au-delà d’un simple rôle dans le film puisqu’il l’a coproduit) capte
parfaitement l’infinie mélancolie du personnage, avec ce regard éteint et
cette impression de vide qui ne le quitte pas. Comme si Daniele, bien que
physiquement présent, était déjà ailleurs. Comme si Daniele, dès les premiers
plans, portait déjà en lui cette inéluctable fin tragique.
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(1) : Le titre original – La Prima notte di quiete,
beaucoup plus mélancolique et profond que le titre français – fait référence à
un vers de Goethe (que cite Daniele dans le film) à propos de la mort, qui est
la première nuit de repos, parce qu’elle est sans rêve.
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