samedi 16 juin 2018

Martin Roumagnac (G. Lacombe, 1946)




Film mineur de George Lacombe, qui a vieilli par bien des aspects. Son intérêt principal est de retrouver Jean Gabin juste après-guerre, dans un rôle encore assez proche des personnages populaires qu’il a pu jouer. Mais, si Gabin lui-même est parfait, le film échoue à retrouver cet aspect populaire et réaliste (quand bien même les films ne l’étaient guère) qu’il y avait chez Carné, Duvivier ou Grémillon. La faute, sans doute, au décalage, dans le film, créé par Marlène Dietrich. Le jeu de Marlène Dietrich et ce qui émane d’elle ne sont pas à leur place dans ce type de film populaire et réaliste. On a sans doute raison de s’étonner de trouver deux acteurs – qui sont deux mythes cinématographiques (en même temps que conjoints à cette époque) – aussi dissemblables dans le même film.


La séquence où Martin construit à Blanche une villa paraît une rêverie ou une image mentale, non seulement parce que la situation scénaristique est à ce moment-là complètement improbable, mais plus encore parce que Blanche – Marlène Dietrich – appartient à un ailleurs qui n’a pas sa place ici, en ce lieu, dans ce film : Marlène Dietrich est d’un autre univers cinématographique que Gabin. Blanche, alors, apparaît comme une allégorie, comme une image, comme une représentation, mais pas comme un personnage tel que ceux qu’elle croise – les ouvriers, le tonton ou le conseiller municipal.
On peut voir là une erreur de casting, qui est un peu dommage puisqu’une idée du film était très bien vue : celle que Martin découvre, au procès final, qui était vraiment Blanche – une aventurière, une « grue » comme avait tenté de lui expliquer son ami – et non une femme honnête, franche et aimante comme il le pensait.

2 commentaires:

  1. J'aime beaucoup ce film, justement pour le décalage entre l'atmosphère réaliste générale, le personnage et le jeu de Gabin et la pose et l'apprêt hollywoodiens de Dietrich (totalement hors de propos et décalé, c'est sûr). Sans cela, le film serait sans doute bon mais sur les rails de l'époque. Marlene apporte un étonnant surréalisme, sans doute non vous par les auteurs, mais qui rend l'ensemble fascinant.

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  2. Je vous remercie pour votre commentaire. Je comprends très bien ce qui vous touche dans ce film. C’est très intéressant : ce qui m’a gêné vous a fasciné.
    J’ose même ajouter que l’incongruité de la présence de Marlène – au-delà de la dissonance dont je parle dans l’article – me semble aussi faire ressortir de façon forcée le côté populaire du personnage de Gabin. Comme si le réalisateur en avait rajouté pour bien montrer l’écart entre les deux mondes qui se côtoient (inconscient, vous avez raison, de « l’effet Marlène ») : il souligne sans cesse (et beaucoup trop) le milieu populaire, en multipliant les marqueurs sociaux (Gabin qui demande sans arrêt un Pernod, qui fait face à un Marcel Herrand précieux et condescendant, etc.).

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