lundi 23 juillet 2018

Detroit (K. Bigelow, 2017)





Film assez décevant de Kathryn Bigelow sur les émeutes qui ont secoué Détroit en 1967. Après une première demi-heure exceptionnelle où elle plonge au cœur des quartiers en ébullition pour en sentir la violence (avec un grondement qui explose et autant de confrontations auxquels s’entremêlent des images d’archives et des moments de contraste très réussis, comme la scène au théâtre), Bigelow zoome sur le moment clef qui l’intéresse (la police qui tente de retrouver un tireur isolé dans un motel) et, dès lors, perd ce regard génial. On comprend alors qu’on ne reviendra plus à cette image saisie d’une Amérique embrasée mais que l’on restera auprès de ces quelques flics racistes qui s’en prennent à ces quelques noirs innocents.
Cette séquence, très longue (presque filmée en temps réel), Bigelow l’amène jusqu’à l’insoutenable, tout autant pour les pauvres innocents harcelés, tabassés et coincés contre le mur que pour le spectateur, coincé lui dans son siège, et qui attend que Bigelow reprenne sa narration. Ce qu’elle fera finalement, pour passer presque directement, après une ellipse de deux ans, au procès des policiers, loin des émeutes.
Las, c’est sans doute dans sa reconstitution de l’ambiance de guerre urbaine que Detroit était le plus génial, et non dans son application à disséquer un événement précis.


Un des points intéressants – et que Bigelow aborde sans toutefois insister – est que, face à ces racistes qui ont le pouvoir, la prise de position est inévitable : se compromettre avec eux (ce que fait, finalement, le vigile Dismukes, qui cherche d’abord à amadouer de façon très diplomatique les policiers, avant de regarder impuissant les choses se faire) ou se recroqueviller dans sa communauté comme le fera Larry, sorti brisé de cette nuit d’enfer.

Mais on ne trouve guère de regard dans ce film – ce qui l’affaiblit considérablement – autre que celui très convenu sur la violence bornée et sans limite de quelques flics racistes. On est d’ailleurs un peu peiné de constater que, dans Detroit comme dans une vulgaire série B, les gentils ont de bonnes bouilles (qu’ils soient flics, vigiles ou chanteurs de soul) et les méchants (les flics racistes) des sales trognes un peu vicelardes. Dès lors, même si Bigelow introduit rapidement quelques contre-feux (on croise des flics sympas), la simplicité du propos politique (propos politique inévitable sur un thème brûlant comme celui de la question raciale) laisse clairement sur sa faim. Ce d'autant plus que le film, quand bien même il se situe en 1967, semble terriblement actuel, puisque, dans l'Amérique d'aujourd'hui, ces questions raciales – avec les ghettosles communautés, les terribles tensions – sont loin d'être réglées.


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