vendredi 3 août 2018

La Fille de Ryan (Ryan's Daughter de D. Lean, 1970)




Beau film de David Lean qui alterne des séquences magnifiques – où le lyrisme de Lean aussi bien que sa finesse jouent à plein – avec d’autres moments où le liant du film se perd un peu.
Dans cette variation libre et lointaine de Madame Bovary – dont l’argument sert l’histoire au cœur du récit – viennent se greffer les tensions entre séparatistes irlandais et la garnison anglaise. Mais dans ce long film, c’est un peu comme si l’alchimie ne se faisait pas complétement et que les différents récits ne s’assemblaient pas parfaitement. Certains moments du récit apparaissent en retrait par rapport aux autres.

Rosy aspire à l’ascension sociale autant qu’à un ailleurs qui lui semble interdit, coincée comme elle est dans ce petit village, au bord de l’océan, entre plages et falaises. Elle se rabat, aveuglée par ses chimères enfantines, sur le maître d’école avant de succomber, violemment, devant le major Doryan, l’anglais. C’est ainsi que le récit croise les amours interdits de Rosy avec les conflits entre Anglais et Irlandais.



Certaines séquences sont très belles : les premières scènes entre Rosy et Charles Shaughnessy ; les plans subjectifs de Charles sur la plage qui comprend la tromperie de sa femme ; l’écrin de Nature construit autour de Rosy et du major ; mais aussi, dans un style aux antipodes, l’étonnante séquence de l’orage où les indépendantistes récupèrent une cargaison d’armes et, enfin, de façon générale, la magie ensorcelante des paysages filmés avec une profondeur de champ infinie.

Le film souffre sans doute d’un casting contrasté : Sarah Miles est une Rosy très touchante, tantôt rêveuse, tantôt détestable, avec cette folie de liberté qui passe dans ses yeux, Robert Mitchum, dans un rôle étonnant de maître d’école casanier, est admirable, de même que Trévor Howard, très sobre. Mais Christopher Jones est bien effacé en major marqué par la guerre et John Mills cabotine terriblement en idiot du village.


On est touché aussi par la rencontre amoureuse entre Rosy et le major, filmée comme une fulgurance au milieu d’un film très long : on sait que David Lean a consacré un film entier à la construction d’un amour improbable et irrésistible (l’admirable Brève rencontre), on comprend qu’ici une séquence suffise, cristallisant en un instant les douleurs du major, la compréhension de Rosy et cette façon dont l’un et l’autre se répondent.




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