Très beau film intimiste et
touchant, déchirant même, avec peu de moyens et de très bons acteurs. Il faut
reconnaître que ce film méconnu du réalisateur dénote, à côté de ses fresques
célébrissimes. Ici les images distillent une intimité triste et contenue. Les
conditions de tournage ont nécessité de s'éloigner de Londres pour plusieurs
scènes : la gare utilisée est celle de Carnforth, dans le nord de l'Angleterre,
même si la plupart des scènes (à l'intérieur de la gare notamment) ont pu être
tournées aux portes de Londres, aux studios de Denham.
Avant le lyrisme de ses films les
plus connus, Lean filme l’intimité de ses personnages et cherche à capter – à
coups de mouvements de caméra discrets, de petits zooms – leurs ressentis,
leurs émotions naissantes. Le film se cantonne à des lieux familiers, sans
âme même, des lieux de la grisaille quotidienne, des lieux où on ne s’attarde
pas. Le lieu clef autour duquel tourne l'intrigue est un petit buffet de gare
insignifiant dans lequel les voyageurs prennent un verre en attendant le train.
Le film est d'ailleurs issu d'une pièce de théâtre qui cantonnait toutes ses
scènes à ce buffet de gare. On est bien loin de l'exotisme des déserts de
l'Arabie, de la jungle birmane ou de la neige de Russie !
Les lieux de l'action sont familiers
et quelconques parce que l'histoire se veut banale, dans le sens où elle peut
arriver à tout le monde, n'importe quand. C'est là l'essentiel du propos de
Lean qui s'applique à prendre comme personnages principaux un homme et une
femme rangés, chacun marié, chacun avec des enfants. Même si la routine
installée dans leurs vies les laisse insatisfaits et, par là même – quoique de
façon inconsciente au départ – disponibles. C’est cette disponibilité chez
l’autre qu’ils ressentent.
Et, dans ces lieux familiers, Lean
filme le grain de sable qui s’immisce, qui s'amplifie et qui emporte tout.
Jusqu’au vertige absolu. Vertige filmé par des plans débullés qui viennent
accompagner Laura titubante au bord du quai.
L’interprétation des deux acteurs
est remarquable, tout en retenue. Celia Johnson, avec ses grands yeux perdus et
tristes, est bouleversante. La musique puissante de Rachmaninov, très utilisée,
vient exhausser les ressentis des personnages. Et le drame confine au tragique
avant d'acter la rupture et de permettre à la vie de reprendre son cours normal
(avec l’intervention finale du mari de Laura).
Il est difficile de ne
pas penser à La Fille de Ryan qui traite
aussi d'un coup de foudre, interdit lui aussi mais pour des raisons plus
complexes encore. En effet le coup de foudre
immédiat entre Rosy et l’officier y est traité de façon complètement lyrique –
lyrisme absent dans Brève rencontre. C’est intéressant de penser
que Lean, qui a déjà consacré tout un film à traiter de la naissance de l'amour
et de son surgissement lent, le reprend dans La Fille de Ryan en
une seule séquence et choisit de le poser d’emblée, comme quelque chose
d’insubmersible, avec une attirance indiscutée et inexorable entre Rosy et le
major.
Récemment, C. Eastwood,
dans Sur la route de Madison, sans reprendre la
trame de Brève rencontre, en reprend le thème : une simple
rencontre où, peu à peu, tout se joue.
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