vendredi 5 octobre 2018

Mortelle randonnée (C. Miller, 1983)




Film étrange et déroutant de Claude Miller, qui sort des canons habituels du polar. Il nous associe étroitement à la quête obsédée de l’Œil (Michel Serrault), détective perdu et désabusé, qui se met à suivre Catherine (Isabelle Adjani), une femme fatale meurtrière, qui séduit et tue, tour à tour, ses riches amants.
Mais, bien plus qu’une enquête policière, sa filature se transforme en une quête fantasmatique et folle puisque, très vite, l’Œil projette sa fille perdue (enlevée par sa mère) sur Catherine (il y a du Vertigo dans Mortelle randonnée). A tel point, même – et c’est là que le délire du détective devient patent et qu’il fait de la meurtrière un doppelgänger fantasmé – que l’Œil, non seulement suit Catherine, mais qu’il l’aide à son insu (il efface ses traces), la force à continuer son rôle de meurtrière (en tuant lui-même celui dont elle était tombée amoureuse et qui aurait donc stoppé sa course meurtrière) et la confond peu à peu en sa fille perdue.


Claude Miller déploie une atmosphère sombre mais malgré tout onirique et décalée qui devient par moment presque fantastique. Et, par-delà chaque scène, on sent une douleur profonde, ténue mais toujours présente : celle de l’Œil qui voit le monde au travers du prisme de son deuil impossible. Tout est sombre, tout est achevé, la vie semble s’être échappée du film.

Mortelle randonnée doit beaucoup à l’interprétation exceptionnelle de Michel Serrault dont le jeu trouve une tonalité incroyablement équilibrée : il parvient à rehausser une profonde tristesse d’une touche d’ironie grinçante, à construire – avec cette incessante voix off murmurée qui recouvre le film – une distance avec les événements, et à faire aimer un personnage somme toute peu sympathique.
Et ce film si sombre prend une tonalité étrange par ce personnage désabusé, qui commente sans cesse ses actes, comme s’il pouvait forcer le destin (ce qu’il tente de faire en organisant sa rencontre avec Catherine) et, dans une illusion obsessionnelle, comme s’il pouvait ou bien retrouver sa fille ou bien en faire son deuil.

On notera aussi la qualité des seconds rôles (Stéphane Audran, Samy Frey, Guy Marchand, etc.) qui viennent rehausser l’humeur triste du film.


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