En pleine vague james-bondienne, L’Espion
qui venait du froid emmène le spectateur bien loin du glamour faste, de
l’exotisme (on ne sort guère de la grisaille des murs nus), des smokings, des
gadgets et des facéties de Sean Connery. Mais, plus encore que son aspect
réaliste (c’est-à-dire dénué de tout l’apparat hollywoodien), c’est l’humeur du
film qui contraste terriblement avec les films de James Bond. On ne rêve guère
dans ce film, la vie y est grise et morne et Alec Leamas (remarquable Richard
Burton), espion usé et fatigué, est un individu lambda, perdu au milieu des
autres, avec une vie tout aussi grise et morne, bien loin de l’allant
patriotique de 007.
Le discours final sur l’espionnage est lapidaire et résume, à lui
seul, le ton du film, aux antipodes de la légèreté hollywoodienne de James
Bond : « Que pensez-vous que
sont les espions ? Des philosophes
moraux confrontant ce qu’ils font à la parole de Dieu ou de Karl Marx ?
Non ! Ils sont juste une bande de bâtards malicieux et sordides comme moi
: des petits hommes, des ivrognes, des homosexuels, des petits maris, des
fonctionnaires jouant aux cow-boys et aux Indiens pour égayer leurs petites
vies pourries. Pensez-vous qu'ils sont assis comme des moines dans une cellule, à trouver
l’équilibre entre le Bien et le Mal ? » (1).
(1) : La tirade en
anglais : “What the hell do you think
spies are? Moral philosophers measuring everything they do against the word of
God or Karl Marx? They’re not! They’re just a bunch of seedy, squalid bastards
like me: little men, drunkards, queers, hen-pecked husbands, civil servants
playing cowboys and Indians to brighten their rotten little lives. Do you think
they sit like monks in a cell, balancing right against wrong?”
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