Récit poignant de Youssef Chahine, qui construit son film
autour d’une gare, lieu de vie trépidant, lieu de misère et de folie, lieu de
combat social, lieu d’émancipation et de malheur.
Le film a de forts accents de néoréalisme italien : la
vie saisie sur le vif est miséreuse dans ces petites baraques nichées dans la
gare et il faut se battre chaque jour pour gagner quelques sous pour manger.
Et, dans cet entremêlas de vagabonds et de petites gens, Kenaoui, boiteux à demi-fou,
rêve de Hanouma. Kenaoui a ce mélange de sensibilité presque enfantine et de
monstruosité que l’on retrouve souvent dans la littérature ou au cinéma (du Quasimodo
de Hugo au Lennie de Steinbeck dans Des
Souris et des hommes). Il est interprété avec une justesse extraordinaire par
Chahine lui-même, et il est à la fois spectateur d’un monde qui le fascine et
acteur pitoyable et tragique de ce monde : cette double posture du
personnage évoque celle du réalisateur qui capte les pulsions du monde tout en
le mettant en scène.
Le film prend une tournure politique, à la fois au travers de la lutte des petits vendeurs et porteurs pour se regrouper en syndicat, comme l’éveil d’une conscience politique ; mais aussi – et cet aspect est plus marqué encore – en mettant en avant les femmes : ce sont des femmes libres, émancipées, qui se battent pour avoir un ascendant sur les hommes.
Gare centrale fascine aussi par sa puissance visuelle : Chahine scrute les visages avec une multitude de gros plans (à commencer par des gros plans sur son propre visage), il joue de noirs et blancs brusques, de décors qui composent un fouillis. Et il travaille le son sans cesse, mixant les voix avec les mille et un bruits de la gare.
La séquence finale est éblouissante avec Chahine qui installe une mise en scène quasi-théâtrale – s’éloignant stylistiquement du reste du film – avec Kenaoui, violemment éclairé, perdu au milieu des rails, dans sa folie, qui menace de poignarder Hanouma. Et, dans cette scène dans la scène, Madbouli, venant apaiser Kenaoui, est comme un réalisateur qui donne ses consignes aux acteurs. Et Kenaoui, perdu dans ses fantasmes et ses pulsions, laisse échapper son couteau – symbole phallique par excellence – et parvient à être maîtrisé.
Le film prend une tournure politique, à la fois au travers de la lutte des petits vendeurs et porteurs pour se regrouper en syndicat, comme l’éveil d’une conscience politique ; mais aussi – et cet aspect est plus marqué encore – en mettant en avant les femmes : ce sont des femmes libres, émancipées, qui se battent pour avoir un ascendant sur les hommes.
Gare centrale fascine aussi par sa puissance visuelle : Chahine scrute les visages avec une multitude de gros plans (à commencer par des gros plans sur son propre visage), il joue de noirs et blancs brusques, de décors qui composent un fouillis. Et il travaille le son sans cesse, mixant les voix avec les mille et un bruits de la gare.
La séquence finale est éblouissante avec Chahine qui installe une mise en scène quasi-théâtrale – s’éloignant stylistiquement du reste du film – avec Kenaoui, violemment éclairé, perdu au milieu des rails, dans sa folie, qui menace de poignarder Hanouma. Et, dans cette scène dans la scène, Madbouli, venant apaiser Kenaoui, est comme un réalisateur qui donne ses consignes aux acteurs. Et Kenaoui, perdu dans ses fantasmes et ses pulsions, laisse échapper son couteau – symbole phallique par excellence – et parvient à être maîtrisé.
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